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10/02/2014

Bruce Machart : Des hommes en devenir

bruce machartBruce Machart est né au Texas, issu d'une famille d'agriculteurs d'une contrée rurale proche du compté de Lavaca, et grandit à Houston. Aujourd’hui il vit et enseigne à Hamilton dans le Massachussetts. Alors que son premier roman, Le Sillage de l’oubli paru l’an dernier, avait sidéré tous ses lecteurs, le second vient tout juste de sortir de l’imprimerie.

Cette fois il s’agit d’un recueil de dix nouvelles, parues précédemment dans des magazines. Bien que comme le veut le genre, ces textes n’aient aucun rapport entre eux, leur lecture enchaînée ne nécessite pas de temps de pause parce qu’on changerait de sujet. En fait on a l’impression de lire une seule et même histoire, faite de chapitres correspondant chacun à une nouvelle, pour la bonne raison qu’elles se déroulent toutes (presque) au Texas, mettant en scène des gens ordinaires dans des décors bien connus des lecteurs, des bars où l’on boit des bières, des pick-up usés roulant dans la poussière, des hommes en jeans et bottes. Et mêmes les textes plus citadins, ne s’éloignent pas tant de cet environnement.

Mais cette vague unité de lieu n’est pas le lien le plus fort entre ces dix nouvelles. Leur point commun, c’est la souffrance voire la mort à laquelle tous les personnages sont confrontés. Il y a des chiens tués ou écrasés, un jeune homme déchiqueté par une écorcheuse dans une scierie, une femme tuée par de petits voleurs sur un parking. Il y a aussi des enfants décédés ou handicapés, un bébé mort-né. Des hommes quittés par des femmes et un mari qui ne sait pas voir que sa femme se meurt intérieurement par manque d’enfant. Pourtant, ces expériences douloureuses n’empêchent pas la vie de continuer et ces hommes en devenir découvriront « qu’être un homme accompli, c’est faire en permanence l’expérience du manque. »

Bruce Machart fait preuve une fois encore d’un talent indéniable pour plonger ses lecteurs dans les souffrances humaines grâce à son écriture d’une puissance peu banale. Vouloir décortiquer son style ne mène à rien, les mots sont simples, les phrases n’ont rien qui les distingue particulièrement, mais c’est cette simplicité même pour dire des choses si dures ou tragiques qui insuffle au texte ce pouvoir quasi magique qui subjugue le lecteur.

Le premier ouvrage de Bruce Machart me laissait entrevoir un grand écrivain, ce second livre confirme tout le bien que j’en pensais et va m’obliger à surveiller de près toutes ses prochaines publications.

 

« Ils claquent les dominos sur la table en se grattant la nuque et probablement en échangeant leurs impressions sur les Harley qu’ils ont garées derrière, prêtes à pétarader. Il y a six mois, après les deux ou trois séances de chimio de Tricky, tous les gars de l’association des tuyauteurs se sont rasés le crâne. C’était une sorte de témoignage viril de fraternité, et le soir où ils ont fait ça, Tricky est entré dans le bar et quand il les a vus, ses yeux se sont remplis de quelque chose de liquide qui ressemblait à de l’amour. Ce sont des hommes rugueux et robustes, des hommes qui n’ont pas peur de garder un peu de tendresse dans leur poitrine et de l’exposer au grand jour quand la situation l’exige, quelle que soit la souffrance que cela implique. »

 

 

bruce machartBruce Machart  Des hommes en devenir  Gallmeister – 200 pages -

Traduit de l’américain par François Happe

08:00 Publié dans NOUVELLES | Tags : bruce machart | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |