16/10/2012
Gilbert Sinoué : Erevan
Noé en débarquant de son arche au sommet du mont Ararat se serait exclamé Yerevants ! Ce qui signifie « c’est apparu », telle serait l’origine du mot Erevan désignant la capitale de l’Arménie. C’est aussi le titre de ce nouveau livre de Gilbert Sinoué qui a choisi le mode romanesque pour nous raconter les terribles épreuves endurées par le peuple Arménien. D’abord le « nettoyage ethnique » et les massacres de 1894-1896 perpétués par le Sultan Rouge Abdül-Hamîd II, l’Europe protestera mais n’interviendra pas, enfin et c’est le sujet de ce livre, le génocide du printemps 1915 organisé par le triumvirat qui dirigeait l’Empire Ottoman à cette époque, Enver Pacha (ministre de la Guerre), Djemal Pacha (ministre de la Marine) Talaat Pacha (ministre de l’Intérieur).
Le roman s’appuie sur des faits historiques avérés et des personnages ayant réellement existés au milieu desquels évoluela famille Tomassian.Achodqui vit en Arménie avec son père et ses enfants, sa fille Chouchane et son fils Aram à peine adolescents, tandis que l’aîné Hovanès, frère d’Achod, est député au Parlement turc. Petit à petit les décrets réduisent les droits des Arméniens, l’inquiétude fait place à la peur quand dans la nuit du 24 au 25 avril 1915 plusieurs centaines de personnalités arméniennes sont arrêtées. Quand la peur va laisser place à la terreur, le roman – qui est aussi l’Histoire – devient insoutenable, déportations massives vers le désert de Syrie, exécutions en masse au bord des chemins et actes de barbarie sauvage. Sur les 20 000 habitants d’Erzurum seuls 22 (!) échapperont aux massacres pour ne donner qu’un exemple des carnages qui au total feront 1,5 million de morts.
Le gouvernement libéral turc qui succédera au triumvirat en fuite vers l’Allemagne, décidera en 1918 de créer une commission d’enquête qui établira clairement les responsabilités des coupables, basées sur des preuves irréfutables et les principaux chefs seront condamnés par contumace. Pour autant, les gouvernements turcs successifs persistent à nier les massacres, jugés et condamnés par leurs prédécesseurs. A ce jour tous les pays, tels les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Danemark, n’ont pas reconnu le génocide.
Un livre très émouvant que j’ai lu avec un intérêt particulier, puisqu’il retrace une partie de l’Histoire mais surtout un pan de l’histoire de ma famille et de mes grands-parents paternels que j’ai à peine connus.
« - Tu ne comprends pas. Personne ne comprend. Vous voulez que nous partions pour nous sauver. Vous ne savez pas que dès qu’un homme abdique, dès qu’il accepte de renoncer à un grain de blé de son champ, une perle d’eau de sa rivière, un caillou de sa montagne, le jour où il revient, il ne retrouve ni son champ, ni sa rivière, ni sa montagne. Ceux qui auront pris sa place lui auront confisqué sa vie. C’est ce qui se passera si nous abandonnons cette maison. »
Gilbert Sinoué Erevan chez Flammarion
17:51 Publié dans Français, ROMANS | Tags : gilbert sinoué | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |