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27/04/2020

Jean-Louis Fournier : Où on va, papa ?

jean-louis fournierJean-Louis Fournier est un écrivain, humoriste et réalisateur de télévision né en 1938. Il a été le complice de Pierre Desproges en réalisant les épisodes de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède ainsi que les captations de ses spectacles au Théâtre Grévin (1984) et au Théâtre Fontaine (1986). Auteur de nombreux ouvrages et romans, Où on va, papa ? date de 2008.

Roman autobiographique ou récit ? Rien n’est précisé sur le bouquin. Toujours est-il que l’auteur est bien malheureusement et réellement père de trois enfants dont les deux premiers, Mathieu et Thomas, sont handicapés physiques et mentaux. Un drame épouvantable, le genre de bouquin que je fuis comme la peste en temps normal mais, connaissant l’écrivain (par ses romans), la minceur de l’ouvrage et la situation actuelle qui me pousse à vider les rayons de ma bibliothèque, je l’ai ouvert d’une main fébrile, une boîte de mouchoirs en papier à mes côtés et là, surprise inespérée, d’emblée j’ai compris que le ton adopté resterait dans la ligne de son œuvre, « On n’a pas eu de chance, vous et nous. C’est tombé du Ciel, ça s’appelle une tuile. » Une « tuile » pas plus !

Et tout le reste de ce livre va creuser un sillon qu’on n’aurait jamais cru possible en de telles circonstances, un père qui évoque ses deux mômes salement handicapés, dont un est décédé à quinze ans, sur le ton de l’humour et même de la rigolade ! On suit le parcours de ces enfants au fil des années, et chaque ligne, chaque phrase, est prétexte à sourire, « On ne pouvait même pas le consoler, lui dire qu’on l’aimait comme il était, on nous avait dit qu’il était sourd. »

« Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer » le mot de Beaumarchais n’a jamais eu autant de sens qu’ici. Pour être franc, je n’arrive pas à mesurer la force de caractère (ou l’esprit biscornu) qu’il faut avoir pour réussir à pondre un tel livre.

Jean-Louis Fournier dit tout, l’idée de se débarrasser des mouflets dès que leur état fut découvert, le regard des autres sur ces enfants « anormaux » ou les écervelés qui vantent les talents de leurs gosses devant lui. Puis viendra un troisième enfant, Marie, l’angoisse du jamais deux sans trois qui finalement ne se réalisera pas, la mère qui se sépare du père (certainement trop difficile de suivre son mode de raisonnement)…

Oui le bouquin est drôle mais qu’on ne se leurre pas, le lecteur est dans une situation inconfortable, rire du handicap, ça passait quand je lisais Hara-Kiri où les situations étaient fictives, là nous sommes dans le réel. Ca change tout. Au début on se retient de sourire puis on se laisse doucement aller puisque après tout, c’est le père lui-même qui donne le ton. Un ton humoristique mais aussi et surtout – sinon ce ne serait pas acceptable- plein d’amour pour ses enfants, teinté par instants d’une légère amertume, celle où pointe les regrets de tout ce qu’il ne pourra jamais faire avec ses garçons.

Un livre qui fait le bilan doux-amer d’une vie au parfum d’inachevée : « Le plus cadeau qu’on puisse faire à un enfant, c’est de répondre à sa curiosité, lui donner le goût des belles choses. Avec Mathieu et Thomas, je n’ai pas eu cette chance. »    

Renversant.

« Thomas et Mathieu grandissent, ils ont onze et treize ans. J’ai pensé qu’un jour, ils allaient avoir de la barbe, on allait devoir les raser. Je les ai imaginés un moment avec des barbes. J’ai pensé que, quand ils seraient grands, j’allais leur offrir à chacun un grand rasoir coupe-chou. On les enfermerait dans la salle de bains et on les laisserait se débrouiller avec leur rasoir. Quand on n’entendrait plus rien, on irait avec une serpillière nettoyer la salle de bains. J’ai raconté ça à ma femme pour la faire rire. »

 

 

jean-louis fournierJean-Louis Fournier  Où on va, papa ?  Stock – 155 pages –

 

Quand en 2008 Jean-Louis Fournier publie ce récit, le livre reçoit le prix Femina mais suscite aussi  un certain nombre de controverses et une réponse de la mère des deux garçons. Agnès Brunet, la mère, créé un blog intitulé Où on va, maman ? pour répondre à certains passages du livre et aux questions qui lui étaient posées. Mais suite à des injonctions de Jean-Louis Fournier et de son éditeur, ce blog a été rebaptisé La maman de Mathieu et Thomas et certains passages litigieux ont été retirés.