16/02/2015
Edouard Moradpour : Nous parlions d’amour de peur de nous parler d’autre chose
Né à Téhéran d'une mère russe ayant immigré après la révolution soviétique, Edouard Moradpour s'installe en Russie juste avant la chute du Mur, où il sera rapidement considéré comme le "père de la publicité". Il a déjà publié deux romans et celui-ci, vient tout juste de paraître.
Peut-on encore tomber amoureux lorsque l'on a choisi de mettre fin à sa vie? Eleonore, violoniste dans un orchestre symphonique et Julien, grand avocat d’affaires, ont trois jours pour décider de mourir ou de commencer à s'aimer car atteints de maladies graves, ils ont choisi la mort programmée, le suicide assisté, en Suisse.
Quand l’éditeur m’a proposé ce roman, j’ai été sensible à son argument « Il s’agit d’une histoire d’amour tournant autour du thème avant-gardiste du suicide assisté (euthanasie), sujet sur lequel l’état français devrait prendre position au printemps prochain (projet de loi à voter) ». J’attendais donc un bouquin traitant de ce sujet grave, une voix parmi d’autres pour éclairer un débat important. Quelle arnaque !! A moins que ce ne soit ma mauvaise compréhension de son email, le « tournant autour » devant être pris au pied de la lettre, on tourne autour effectivement mais on n’y arrive jamais !
En fait et plus simplement, tout est mauvais dans ce livre qui aurait dû paraître dans la collection Harlequin (avec tout le côté péjoratif accolé à cette remarque). Une histoire d’amour à l’eau de rose, digne des romans photos d’antan, les héros ont des professions libérales ou artistiques, ils évoluent dans des décors de luxe et font des voyages à Venise… L’écriture est formatée, les poncifs abondent et l’auteur plaque lourdement à son intrigue des références culturelles qui font chic et permettent de tirer à la ligne. La psychologie des personnages ne peut s’adresser qu’à des gamines, et encore, pas celles de notre époque.
Quant au fond, le suicide assisté, il est à peine abordé réellement, tellement vu de loin et tellement peu crédible d’un point de vue factuel que c’en est gênant pour ceux qui se sentiraient directement concernés par ce problème. J’arrête là mon billet car le fait qu’un tel bouquin existe, c’est déjà triste, mais qu’un éditeur le vende en mettant le suicide assisté en avant, c’est carrément une honte. Nul, archinul !
Je pense avoir été clair ?
« La brume froide surprit Eleonore, fatiguée, consumée par ces deux heures de travail. Elle releva le col de son manteau jusqu’à lui couvrir la bouche, elle eut l’impression curieuse de rentrer dans un tableau tout en sfumato ; la rue Saint-Séverin était baignée d’une lumière irréelle, confuse. Elle discernait à peine le boulevard Saint-Michel. Il y avait encore devant l’église un groupe compact, obscur, d’une dizaine de personnes emmitouflées, des exhalaisons blanches s’évaporaient de leurs bouches. Elle eut une drôle d’image dans la tête : celle de colonies de pingouins agglutinés contre le froid, elle en sourit. Elle aurait bien aimé écouter ce que disaient tous ces gens du concert. »
Edouard Moradpour Nous parlions d’amour de peur de nous parler d’autre chose Michalon – 270 pages –
A paraître le 5 mars 2015
07:49 Publié dans Français | Tags : edouard moradpour | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
Commentaires
Oui, c'est clair! Et bien dommage que le sujet attendu ne soit pas traité.
Écrit par : keisha | 16/02/2015
Pour le coup je ne sais pas ce qui est le plus détestable : l’auteur, son bouquin est mauvais mais je ne lui en tiens pas rigueur, tant d’autres…. L’éditeur lui, a le culot de présenter le bouquin comme une pièce au dossier du suicide assisté, une escroquerie pure et simple ! Enfin, l’attachée de presse qui m’a contacté, n’a certainement lu aucun de mes billets, ni vu mon blog, sinon elle aurait vite compris que j’allais « casser » le bouquin ! Le monde du livre me reste bien mystérieux…
Écrit par : Le Bouquineur | 16/02/2015
Et dire que l'éditeur vient de me l'envoyer pour que j'en fasse aussi une chronique sur mon blog... Bon, ça ne m'encourage pas !
Écrit par : Sylvie | 14/03/2015
Peut-être y verrez-vous un intérêt qui m’a échappé ce qui nous permettra de comparer nos avis… ? De plus, je le rappelle toujours, mes critiques n’engagent que moi ! Ceci dit, bon courage !!! (sic !)
Écrit par : Le Bouquineur | 15/03/2015
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