14/02/2015
Yan Kouton : Hostia
Yan Kouton est né en 1971. Juriste de formation, après avoir longtemps vécu à Brest, il est désormais installé en région parisienne. Auteur d’une poignée de romans, son dernier ouvrage, Hostia, vient de paraître.
Le docteur Francis Cabon vient d’apprendre la cécité qui l’affectera tôt ou tard alors que Céline, sa compagne, lui fait part de son désir d’enfant. Fou amoureux, il ne parvient plus à se projeter dans cet avenir, ni même à lui avouer la vérité quand un drame atroce et meurtrier vient réduire sa vie à néant.
Hostia ou le livre des surprises. La première, immédiate, c’est la mise en page, le texte est d’une seule pièce fait de courts blocs de phrases séparés par des sauts de ligne, ça peut paraître anodin dit ainsi mais ça induit un certain rythme de lecture. La seconde, c’est qu’on est devant un bouquin d’écrivain, c’est certain, mais d’un genre sortant de l’ordinaire, de ceux qui triturent l’écriture comme un matériaux malléable et quasi physique.
Sans dévoiler de secrets, le narrateur Francis Cabon, va vite se retrouver veuf après le meurtre de sa femme. Sa cécité prochaine en vue (sic !) plus cette catastrophe, vont le démolir psychologiquement et le roman est le reflet de ses notes écrites durant son hospitalisation en milieu psychiatrique. Alternance des époques, sa vie de couple quand le bonheur régnait, le temps du meurtre atroce et ce qui en découlera, et le présent à l’hôpital. On passe de l’un à l’autre au gré des sauts de lignes, sans crier gare. Cette construction ne manque pas de charme et maintient constamment l’attention du lecteur. Quand l’intrigue sera bien entamée, viennent s’intercaler des phrases en italiques, reflets des pensées du héros en pleine perdition de ses moyens.
L’écriture peut choquer ou déplaire, mais elle est de qualité – dans le genre déstructurée – et le texte fourmille de petits détails très précis, sans importance réelle si ce n’est étonner. Le ton général est plutôt sombre pour ne pas dire noir, certaines scènes particulièrement dures à supporter comme celle à la morgue, pour la reconnaissance du corps. Yan Kouton excelle à décrire la souffrance, celle éprouvée après la mort de l’être aimé, celle des corps blessés, qui toutes mènent aux douleurs psychologiques, à la folie peut-être.
Et puis arrivent les quinze dernières pages qui plombent la note générale. Francis Cabon perd pied et délire, le texte devient incompréhensible – je vois bien le rapport théorique mais en tant que lecteur, on se retrouve à lire des trucs qui ne veulent rien dire « Et des squares, au béton bientôt coloré, il sera revenant. » !!?? Je suppose qu’on verse alors dans le domaine de la poésie, dans l’esprit de l’auteur, moi j’y vois un verbiage un peu prétentieux… Quant au titre du roman, Hostia, il reste encore sibyllin, hostie ( ?) pour désigner une victime expiatoire ?
Un bon roman, très original dans la forme mais qui, comme ont le dit des vins, laisse une note finale en bouche qui n’est pas la hauteur de ce qu’on espérait.
« Xavier est un ami depuis la faculté. Bertrand… C’est plus récent. Je ne le connais pas vraiment. Le seul avec lequel je pourrais parler de mon problème, c’est Xavier… Mais je ne le fais pas. Les temps se brouillent. Je sombre au moment précis où notre association décolle. Entre nous, il est à présent question d’argent. De remboursements, de dossiers médicaux, de repas en commun. J’ai envie de sauter par-dessus bord, d’abandonner cette entreprise. Puis la peur me dévore, je me noie. La bête se déplace comme un fauve. Elle me demande d’attendre. De jouir de l’impuissance et de la peine que j’inflige. »
Yan Kouton Hostia Les éditions La Matière Noire - 113 pages –
L’auteur comme l’éditeur, ne manquent pas d’ambitions. Le livre papier et sa version numérique vont de paire, la seconde prolongeant le premier. Pour en savoir plus, je vous invite à visiter le site de La Matière Noire et le blog dédié à Hostia.
08:06 Publié dans Français | Tags : yan kouton | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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