24/03/2025
Jean-Baptiste Del Amo : La Nuit ravagée
Jean-Baptiste Garcia, né à Toulouse en 1981, a pris un pseudonyme lorsqu’en 2008 alors qu’il s’apprête à publier son premier roman, son éditeur, Gallimard, publie aussi le premier roman d’un autre auteur toulousain, Tristan Garcia, partageant donc le même nom de famille. Jean-Baptiste Garcia prend alors le nom de plume de Del Amo, le nom de sa grand-mère paternelle. La Nuit ravagée, son dernier roman, vient de paraître.
Années 90 dans une petite ville de la région toulousaine. Une bande d’adolescents ordinaires vit son âge comme tous ceux de sa génération en province. Ils sont cinq, Alex, Mehdi, Max, Thomas et Lena dernière arrivée dans la bande. Ils ont toujours été intrigués par une maison abandonnée dans leur quartier, sans plus, jusqu’à ce qu’un élève de leur lycée ne s’y suicide. Dès lors, ils n’auront plus qu’une idée en tête, y pénétrer et voir ce qui s’y passe. Oh, la mauvaise idée ! Aïe ! Aïe ! Aïe !
Un excellent roman qui m’a tenu en haleine jusqu’au bout. Un texte intelligent glissé entre les pages et les images des romans et films d’horreur les plus angoissants du genre. Pour citer quelques références revendiquées par l’écrivain, Stephen King, Lovecraft ou des pellicules comme The Thing (réalisé par John Carpenter en 1982 avec Kurt Russel) ou Les Griffes de la nuit (réalisé par Wes Craven et sorti en 1984).
Je vais donc tâcher de ne pas vous en dire trop, pour laisser votre trouille intacte quand vous lirez ce bouquin. La maison est au centre du récit, ici il y a quinze ans, découvrirons nos gamins, un homme a massacré sa femme et ses deux enfants, depuis la bicoque est abandonnée et les adultes font tout ce qu’ils peuvent pour l’oublier. Nos ados vont donc s’y intéresser, irrésistiblement attirés, et y entrer chacun à l’insu des autres. Passé le seuil, chacun va y (re)vivre l’expérience la plus dramatique de leur jeune vie, ce secret qu’ils ont enfoui au plus profond de leur conscience : Alex revoit sa mère décédée d’un cancer, Mehdi retrouve l’élève qui le harcèle brutalement au lycée et qu’il voudrait voir mort, Max réalise son fantasme homosexuel avec un ami du lycée, Thomas retrouve son beau-père qu’il souhaiterait mort, tout comme Lena… Dans cet univers virtuel, les souhaits peuvent se réaliser ! « Je crois que la maison utilise nos peurs ou nos désirs et qu’elle leur donne vie ») Mais à quel prix ?
Dans un final grandiose autant qu’extravagant à vous bloquer la respiration d’angoisse, nos adolescents reviendront une dernière fois mais en groupe dans la maison, pour en exterminer l’esprit malfaisant qui l’infecte. [Ici, j’apporte un léger bémol à mon enthousiasme, le scolopendre n’était pas nécessaire même si j’en comprends la présence (je ne vous en dis pas plus bien sûr !) et je pose une question : pourquoi un scolopendre femelle ? Que sous-entend cette précision ?]
Le roman est très bien écrit, avec des passages extrêmement émouvants, assez pour que je revienne chez cet auteur que je découvre. Et c’est grâce à cette qualité que le roman tient la route car par exemple, tout le début nous présentant les jeunes acteurs, m’aurait ennuyé chez un autre, ce n’était pas le cas ici, un signe qui ne trompe pas pour moi.
Quant au fond, outre l’hommage aux grands du genre (romans, films), il nous offre un roman pour ainsi dire initiatique, où des adolescents prennent conscience du monde dans lequel ils entrent, « Tu peux pas changer le passé, s’entendit-il dire, et tu peux pas non plus réparer tous les torts, ni enlever tout le mal de ce monde. » Leur combat contre la maison hantée les a fait muer, ils ont perdu « cet irréductible morceau d’enfance sans lequel ils ne seraient jamais plus que des adultes ».
« - Qu’est-ce que tu crois que c’est vraiment, cet endroit ? – Je ne sais pas mais je pense que Tom a raison, ce n’est pas simplement une autre réalité, c’est vivant. Mehdi bascula sur le dos, croisa ses mains sur sa poitrine et regarda le plafond. – Et si tous ces désirs qu’on a, ces rêves qu’on fait, ces peurs qui nous poursuivent, ces histoires qu’on s’invente… si tout ça prenait forme, existait quelque part, et que le drame qui s’est produit dans la maison avait ouvert une sorte de porte sur cette réalité-là ? Une réalité qui obéirait à d’autres lois que la nôtre ? »
Jean-Baptiste Del Amo La Nuit ravagée Gallimard - 464 pages -
06:00 Publié dans HORREUR/FANTASTIQUE | Tags : jean-baptiste del amo | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
Écrit par : Ingannmic | 24/03/2025
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Le Bouquineur | 24/03/2025
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