07/01/2021
David Joy : Ce lien entre nous
David Joy, né en 1983 à Charlotte en Caroline du Nord, est un écrivain américain. Une licence d’anglais et un master spécialisé dans les métiers de l’écrit en poche, encouragé par son professeur Ron Rash, il se lance dans l’écriture. Il vit actuellement en Caroline du Nord et quand il n’écrit pas, pratique la pêche, la chasse et les activités manuelles. Ce lien entre nous (2020) est son dernier roman paru.
Caroline du Nord, dans les Appalaches. Lors d’une nuit de braconnage, Darl Moody tue par accident Carol Brewer, lui-même en train de voler des plants de ginseng dans un bois. Paniqué, il demande à Calvin Hooper son unique ami, de l’aider pour faire disparaitre le corps. Une décision lourde de conséquences car Dwayne Brewer, frère de la victime, un colosse réputé pour sa violence et sa cruauté, va retrouver leur piste et se venger à sa manière…
Si le résumé semble prometteur mais banal - c’est aussi pour cela que j’avais tardé à lire ce roman - soyez plus malins que moi et foncez directement sur ce magnifique roman.
Je ne vais pas trop entrer dans l’intrigue proprement dite faite de morts violentes, de séquestration, de peur et d’anxiété, s’achevant par un épilogue surprenant et plein de suspense. Le meilleur est ailleurs, dans ses protagonistes, les liens qui les relient les uns aux autres, les questions morales soulevées par ce roman.
Dwayne adorait son jeune frère Carol. Autant le premier est une brute capable de tout et du pire, autant l’autre était un gentil pas fait pour cet environnement, ne serait-ce que familial sordide et misérable. Et déjà point toute l’ambiguïté de ce roman, Dwayne est cruel mais il sait aussi être plein d’humanité ( ?), prenant la défense d’un gosse brimé par une petite frappe de son âge, acharné à protéger Carol. La bête est imprégnée des textes de la Bible, lue près de cent fois, il s’est fait une vision du monde et des hommes bien à lui, d’ailleurs il se vantera à un moment d’être un prophète.
Darl Moody, de son côté, était aussi un gentil. Il faisait vivre tant bien que mal, sa mère, sa sœur et ses enfants, par ses chasses légales ou non. Le meurtre était un accident, la suite le choix face à un cas de conscience, soit se dénoncer à la police et aller en prison, condamnant sa famille à une plus grande misère, soit tenter d’effacer le crime. Calvin Hopper lui, ne voulait pas entrer dans ce jeu mais par amour pour son faible ami, il se laisse embarquer. Les liens de l’amitié véritable.
Plus loin dans le texte quand Dwayne, détenant sa petite amie, et Calvin devront s’affronter pour le finale, l’écrivain met ces mots dans la bouche du colosse mystique « Chacun de nous luttant pour se raccrocher à ce qu’on aime le plus, pas un meilleur que l’autre. (…) Pour qui es-tu prêt à donner ta vie, mon ami ? A part ça, il n’y a rien. » D’un côté, un homme seul avec ses seules croyances bibliques qui ne craint pas la mort, face à un autre dont l’amour de sa vie a été pris en otage. La mort n’a pas le même poids/prix pour tous… n’est-ce pas une métaphore nous renvoyant à une tragique actualité entre occidentaux et djihadistes ?
Un excellent roman, puissant, très bien écrit où l’écrivain ne prend parti pour personne, les bons ne sont pas toujours purs et les méchants les plus horribles pas complètement pourris. Un bouquin incontournable.
« En se retournant, il avait vu son frère à genoux, le visage rouge comme une pivoine, sa tache de vin sombre rendu brillante par les larmes. Il avait alors compris que Carol n’était pas taillé pour cet endroit, que certaines personnes étaient nées trop douces pour supporter la férocité qui les entourait. Il n’y avait pas de place pour la faiblesse dans un tel monde. La survie était si souvent une question de dureté. »
David Joy Ce lien entre nous Sonatine – 302 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau
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