15/04/2024
Joseph Incardona : Stella et l’Amérique
Joseph Incardona, né en 1969 à Lausanne de mère suisse et de père sicilien, est un écrivain, scénariste et réalisateur suisse. Il est l'auteur de romans, de scénarios pour le théâtre, le cinéma et la bande dessinée, ainsi que réalisateur de cinéma. Stella et l’Amérique, son nouveau roman, vient de paraître.
De la Géorgie au Nevada en passant par la Floride, car « l’Amérique, comme chacun sait, est grande. C’est ce qu’on aime, d’ailleurs, cette idée que la liberté est là-bas ». Stella Thibodeaux, dix-neuf ans, est une prostituée itinérante à bord de son van au sein d’un groupe de forains, où les vieux Santa Muerte et Tarzan, lui servent de famille. Elle, c’est la voyante, lui, son amour de quatre-vingt-douze ans, « Quand Santa et son homme s’enlaçaient, on entendait leurs os s’entrechoquer ».
Stella se découvre un don, elle guérit aveugles, paraplégiques et autres handicapés, en pratiquant le sexe avec eux ! De vrais miracles. Quand l’information parvient aux oreilles du pape Simon II, il y a d’abord la joie, une sainte viendrait donner de l’éclat à sa boutique, mais une sainte qui serait une putain, ça la foutrait mal. Seule solution, en faire une martyre et ça c’est le boulot des frères Bronski, tueurs à gages impitoyables…
Dire qu’on s’amuse énormément à cette lecture, n’est rien dire.
Tous les personnages de ce roman sont extravagants et sont lâchés dans la nature par l’écrivain dans une folle équipée, les Bronski chargés de retrouver et éliminer Stella, elle-même aidée par le Père Brown (James Brown !) ex-militaire des services spéciaux, Luis Molina un journaliste d’un canard local qui veut faire un reportage sur la donzelle dans l’espoir de décrocher le Pulitzer et d’autres pas piqués des hannetons.
Le roman est court donc ça ne traine pas, les références sont nombreuses, littéraires et cinématographiques, déjanté comme dans un film des frères Cohen et violent car les morts s’empilent (ah ! ah !) comme dans un Tarentino.
C’est très bien écrit avec des incursion de l’auteur dans son propre texte (« C’est pour un tel moment de grâce que je suis né en Verseau. Et pour le dire, que je suis devenu écrivain. »). Incardona utilise tous les clichés du roman américain de genre, poursuite à travers le pays, bars et motels, bikers, tueurs à gages etc. Et que dire du nom attribué à ses personnages, James Brown ou Robert Smith (musique), Tarzan (BD)…
Néanmoins, derrière cette abondance d’humour et de burlesque, il y a l’amour pur donné par Stella aux plus démunis, aux plus affreux, l’amour et l’espoir qu’elle distribue modestement autour d’elle. Une vraie sainte : « Votre ennemi, ce n’est pas moi, c’est la liberté, c’est la délivrance par l’Amour de toutes vos hypocrisies et de vos convenances, c’est vos péchés et vos règles, la religion mère de la psychanalyse et de la possession des âmes. »
Un très bon roman.
« Et lorsque Stella ouvrit la porte de son camping-car, ils étaient déjà là à l’attendre. Ils soulevèrent leur peine, leurs visages lourds d’espérance maintenant qu’elle était apparue. Des hommes. Meurtris, diminués, laids. Qui voulaient vivre sans le poids honteux de la dégradation qui leur refusait la condition élémentaire d’un corps en bonne santé. Une douzaine d’hommes, phtisiques, paraplégiques, aveugles, diversement malades ou handicapés. (…) Stella résista à l’envie de refermer la porte, de les laisser croupir dans l’enfer qui était leur corps. Il lui fallut plus que du courage, il lui fallut de la bravoure. Que pouvait-elle faire d’autre, sinon les prendre, chacun dans leur douleur, et les aimer ? »
Joseph Incardona Stella et l’Amérique Editions Finitude - 224 pages -
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