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05/06/2020

Junichirô Tanizaki : Affres d’un jeune garçon

junichirô tanizakiJunichirô Tanizaki (1886-1965) est un écrivain japonais. Etudiant à l'université de Tokyo, il publie en 1910 Le Tatouage, une nouvelle qui lui apporte une célébrité immédiate. Il s'engage alors dans la voie littéraire, publiant de nombreux récits qui s'inspirent souvent d'un Occident et d'une Chine exotiques – jusqu'au grand séisme qui secouera Tokyo en 1923. Tanizaki quitte alors la capitale pour la région de Kyoto et Osaka et, après avoir publié Un amour insensé (1924) qui signe la fin de cette première période, il opte pour un retour aux sources japonaises. L’écrivain laisse une œuvre unanimement considérée comme l'une des plus importantes du XXe siècle japonais.

Affres d’un jeune garçon est une nouvelle datant de 1919.

Depuis le décès de leurs parents, Tajima Yoshio vit avec ses frères (Mikizo et Rokujirô) et sa sœur (Ryûku). Une énorme différence d’âge sépare Yoshio, un enfant, des autres, en particulier de Mikizo l’ainé qui fait des études de médecine. Mikizo se marie avec Kitako mais celle-ci va enchainer les fausses-couches, une anémie et finalement décéder malgré les soins prodigués par son époux. Quelques temps plus tard, le veuf se remarie avec une amie de son ex-femme et Yoshio se retrouve à vivre avec le couple. Mais dans l’esprit du gamin de folles idées ont commencé à germer : soupçons d’infidélité de son frère avant le décès de son épouse, et s’il l’avait empoisonnée pour pouvoir épouser sa maîtresse ? Et si son frère, devinant qu’il sait, voulait le supprimer lui aussi ?

Le récit s’étale sur quelques années, des premiers souvenirs de l’enfant jusqu’à ses quatorze ans. L’occasion pour Tanizaki de faire revivre pour nous la vie dans le Tokyo d’alors avant d’enchaîner avec les premiers dérangements mentaux du gosse – qui, il faut le dire, à toujours eu une santé physique fragile. Très vite, on constate que Yoshio a l’esprit fiévreux,  imaginatif, soupçonneux, dérangé, je vous laisse le choix du qualificatif. Bref, un vrai parano !

Dès lors, avec de telles lunettes, tout semble louche et mystérieux : un frère médecin n’est-il pas le mieux placé pour empoisonner sa patiente ? Le mobile est clair, Yoshio l’avait vu précédemment avec sa supposée maîtresse, donc il a tué l’une pour vivre avec l’autre ! Et Yoshio n’ayant pu cacher ses doutes, le frère va être obligé de se débarrasser de ce témoin gênant. La peur embrase l’esprit du gosse qui n’avait pas besoin de cela… Ajoutons qu’il a aussi des rêves agités et des visions de la défunte en fantôme qui rôde…

Le lecteur hésite, baladé par les circonstances distillées par l’écrivain, sont-ce fantasmes d’un gamin perturbé ou y aurait-il un fond de vérité ? D’autant que l’épilogue reste ouvert, les deux frères semblent réconciliés, mais…

 

 

« En dépit, songeait-il, du souci que sa sœur Ryûku se faisait pour lui, son humeur soupçonneuse s’était faite de plus en plus têtue. Ses soupçons se portaient sur son frère, sur la façon dont sa grande sœur était morte, même sur la demoiselle d’Azabu qui lui avait montré tant de gentillesse, et finalement sur son propre cœur. Dans l’impossibilité de s’en ouvrir à quiconque, il apparaissait à chacun comme un enfant destitué de son caractère enfantin et qu’on finirait bientôt par ne plus chérir. Si non seulement son grand frère, mais tout le monde venait à le prendre en aversion, c’est pour le coup qu’il se retrouverait tout seul. Mais peut-être qu’alors la grande sœur défunte veillerait sur lui dans l’ombre ?... »

 

junichirô tanizakiJunichirô Tanizaki    Affres d’un jeune garçon   Gallimard La Pléiade Œuvres Tome 1 – 46 pages -

Traduction par Marc Mécréant