03/06/2019
J.M. Erre : Qui a tué l’homme-homard ?
Jean-Marcel Erre qui publie sous la signature J.M. Erre, est un écrivain français né en 1971 à Perpignan. Son premier roman date de 2006, le septième, Qui a tué l’homme-homard ? vient de paraître. A une époque plutôt morose en général, la littérature souriante de J.M. Erre est un puissant remède à la déprime et ce nouveau roman, une franche réussite, mérite toute votre attention.
Margoujols, un bled en Lozère. En 1945, un cirque itinérant proposant des attractions de « monstres » genre femme à barbe, nain, géant, homme-éléphant etc. y fit sa dernière étape quand son directeur fut assassiné. Depuis, cinq survivants se sont intégrés au village mais aujourd’hui, l’un d’eux, Joseph Zimm dit « l’homme-homard » en raison de son infirmité vient d’être découvert mort, atrocement mutilé et découpé en morceaux. Le mort était détesté de tout le village car il épiait chacun et connaissait tous leurs petits travers. L’enquête est menée par l’adjudant Pascalini secondé par son stagiaire Babiloune.
Un polar de J.M. Erre ça vous sort des sentiers battus du genre. Vous pouvez me croire. Ici, le loufoque est roi. Le duo d’enquêteurs officiel est gratiné, Pascalini n’a pas inventé l’eau tiède et Babiloune est carrément nunuche, parallèlement à leurs investigations, Julie, la fille du maire, tente aussi de résoudre l’énigme dans le but d’en tirer un polar. Précision, Julie est paraplégique, coincée dans un fauteuil roulant très sophistiqué et communique avec l’extérieur grâce à son ordinateur. Un cadavre ça fait un peu chiche, deux autres vont suivre, puis le gendarme Pascalini va subir le même sort et nous ajouterons une profanation de sépulture… Régulièrement, un personnage mystérieux vient ponctuer le récit, Winona Jane, une bloggeuse avouant des crimes sur Internet. Voilà les grandes lignes de l’intrigue.
Connaissant l’écrivain, je savais que ce serait drôle et ça l’est réellement, du début jusqu’à la fin. Situations cocasses, répliques amusantes ou dialogues improbables, tout est noir comme l’humour dont le roman est fait, et ce dès la première page : « On a coutume de dire que la première fois est toujours décevante. La mienne a été une franche réussite. J’avais dix-sept ans, c’était mon premier meurtre. Ma vocation venait de naitre. »
Vous allez vous précipiter sur ce polar où l’héroïne est une miss Marple en fauteuil roulant, non seulement parce qu’il est amusant et soutenu par un excellent suspense final mais aussi – et surtout – parce que l’écrivain qui n’est pas tombé de la dernière pluie, augmente son ouvrage d’une réflexion sur le polar. Par les voix de Julie (qui enquête en songeant à son futur roman) et Winona Jane (qui intellectualise le crime), il décrypte les recettes de ce genre de littérature (« Ne pas oublier que le lecteur contemporain est beaucoup plus exigeant que celui des polars d’antan qui était prêt à se satisfaire d’un dénouement pépère »). Une mise en abime qui réjouit et apporte un petit plus indispensable au plaisir du lecteur. Pour enfoncer le clou et vous persuader qu’il y a là de quoi lire, J.M. Erre place des réflexions sur les réseaux sociaux, les télévisons d’information en continue et que sais-je encore…
Avant d’en terminer et parce que ça me démange depuis le début de ce billet : il est fort possible que ce ne soit que mon imagination mais j’ai l’intuition que le titre de ce roman fait écho au célèbre « Omar m’a tuer », le fait divers de 1991 (sans lien avec le bouquin, par ailleurs), juste pour le plaisir de l’astuce !
« Le lecteur d’un roman policier qui souhaite jouer au détective est placé dans une position confortable par l’auteur. Il sait d’avance que le coupable se trouve forcément parmi les personnages mentionnés dans l’histoire. Si un crime a lieu dans un lotissement et que l’écrivain met en scène cinq couples, l’assassin sera l’une de ces dix personnes, et non l’une des cinquante autres vivant dans le quartier et dont on ne parlera pas. L’auteur ne peut pas se permettre de sortir de son chapeau dans les dernières pages un nouveau personnage qui serait le criminel. Le lecteur qui identifie le coupable avant le dénouement se croit très perspicace. En réalité, on lui a bien mâché le travail. »
J.M. Erre Qui a tué l’homme-homard ? Buchet-Chastel – 355 pages –
07:21 Publié dans POLARS | Tags : j.m. erre | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |