04/09/2017
Paolo Rumiz : La Légende des montagnes qui naviguent
Paolo Rumiz, né en 1947 à Trieste, est un journaliste et écrivain voyageur italien. Envoyé spécial au journal Il Piccolo de Trieste, puis à la rédaction de La Repubblica, il couvre en 1986 les événements de la zone balkanique. Pendant la dissolution de la Yougoslavie, il suit en première ligne le conflit de la Croatie puis celui de Bosnie-Herzégovine. En novembre 2001 il est à Islamabad puis à Kaboul, pour couvrir l'attaque des Etats-Unis en Afghanistan. En tant qu'écrivain voyageur, Paolo Rumiz a parcouru de nombreux pays, notamment le long des frontières de la communauté européenne. La Légende des montagnes qui naviguent, est son nouvel ouvrage.
Un périple de huit mille kilomètres, de la baie de Kvarner en Croatie jusqu’au Capo Sud italien, Paolo Rumiz chevauche les deux grands ensembles montagneux de l’Europe, Alpes et Apennins, passant par les Balkans, la France, la Suisse et bien sûr l’Italie. Parti de la mer, il arrive à la mer. Un voyage qui s’étale entre 2003 et 2006, empruntant divers modes de locomotion mais on retiendra particulièrement sa voiture, une Fiat 500 (la Topolino).
Un récit particulièrement dense qu’on s’étonne de voir condenser dans si peu de pages finalement. L’écrivain aime les gens, tout son voyage n’est fait que de rencontres avec des personnages, quelques uns connus (comme Jörg Haider (1950-2008) le politique populiste autrichien) mais le plus souvent des inconnus extraordinaires, paysans, bergers, écrivains, artisans, vieillards… tous, porteurs d’une philosophie de vie et mémoire encore vivante du passé proche. Conséquence directe, si vous n’avez qu’un livre en main, celui-ci recèle mille histoires ébouriffantes et passionnantes.
Impossible de résumer la diversité des sujets abordés car l’auteur, cultivé, sait marier avec une facilité déconcertante, l’Histoire et les petites histoires locales, la géographie, l’écologie comme l’économie, la politique et les sciences sociales, la philosophie… que sais-je encore ? Il y a donc des reconstitutions historiques, des ours et des loups, Ötzi la fameuse momie décongelée, les migrants et les frontières disparues, des régions dépenaillées et d’autres où tout est réglé comme des horloges.
De ce long voyage, se dessine en creux, une Europe partagée : un vieux continent coincé entre la modernité qui se retranche derrière l’économie et son bras armé le commerce, et de l’autre cette Europe chargée de nostalgie et de bon sens, celle des traditions qui ne faisaient qu’un de l’homme et de la terre. Le combat semble inégal mais n’interdit pas la résistance de certains.
Les premières pages m’ont paru un peu difficiles mais bien vite, l’écriture parfaite de Paolo Rumiz vous embarque (« dans un silence venteux de marmotte » superbe autant que mystérieux, non ?) dans un inoubliable périple.
Une lecture chaudement recommandée !
« La maison du crucifié. C’était là que je dormirais. Les éclairs illuminaient un démon en bois, installé juste au-dessous du toit pour monter la garde. Mais c’était le Christ qui faisait peur, cloué un peu plus bas. Ruisselant de pluie, il était accroché à la maison, en plein orage. A l’origine, il se trouvait dans l’église du village, mais le curé s’en était débarrassé, parce qu’il faisait pleurer les petits enfants. « Alors je l’ai pris chez moi », me dit Max en me montrant le chemin de ma chambre. Un Christ refusé par le prêtre, ça ne porte pas bonheur, me dis-je. Mais son visage et ses membres désarticulés, sa douleur terrestre et indicible exprimaient l’essence même de cette amère région qu’est la Carnie. »
Paolo Rumiz La Légende des montagnes qui naviguent Arthaud – 457 pages – (Parution le 6 septembre 2017)
Traduit de l’italien par Béatrice Vierne
« Les Apennins n’en finissent jamais. Mais se les farcir dans une Topolino qui date de 1953, là, c’est du délire. (…) Une voiture sympathique, dépourvue d’arrogance, capable d’éveiller des souvenirs, de la curiosité, de la nostalgie ; parfaite pour favoriser les rencontres. » [p.242]
07:41 Publié dans VOYAGES | Tags : paolo rumiz | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |