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29/01/2016

Alain Defossé : On ne tue pas les gens

Alain Defossé, Jean Genêt, Alain Defossé est un écrivain (une petite dizaine de romans) et traducteur français (Bret Easton Ellis, Irvine Welsh, Joseph Connolly…) né à Nantes en 1957. On ne tue pas les gens est paru en 2012.

Alors qu’il regarde par hasard une émission de télé, « Faites entrer l’accusé », le narrateur écrivain de son état, tombe sur un reportage qui retrace un crime commis il y a une dizaine d’années par un tenancier de bar où il avait ses habitudes et où il fut présent quelques heures à peine avant le drame. Devant les souvenirs qui affluent, l’imprécision du reportage et un malaise intérieur qui le ronge depuis cette époque, le narrateur se sent contraint d’écrire pour soulager sa conscience.

Alain Defossé a placé son récit en Bretagne, une petite ville où le narrateur possède une maison, le lieu idéal au calme, pour écrire. Nous avons droit à quelques pages sur la vie en province telle qu’elle était autrefois puis telle qu’elle est devenue de nos jours avec une cité HLM, ses immigrés Turcs et Manouches, la montée de la violence, mais aussi le rôle des bars où « on déverse sur le comptoir ses malheurs et ses frustrations, ses petits ennuis et ses gros soucis, c’est la fonction du bar, une sorte de parloir, de divan de psy… » Et de bar, il en est largement question puisque c’est là que notre narrateur va faire la connaissance de Didier, patron de La Louisiane dont il deviendra un habitué et indirectement copain de celui-ci.

Il y a dans ce roman un soupçon de Jean Genêt avec ses amours masculines et une attirance pour les petites frappes, ses errances nocturnes de troquets en bistrots. La construction alterne les chapitres restituant pas à pas, la soirée fatidique du 19 juillet 1999 commencée à 20h40 et achevée à 0h59, avec ceux du roman proprement dit, assimilant le texte à une sorte de thriller mou. Nous suivons les états d’âme du « témoin » - qui en fait n’a rien vu – et ne veut pas croire à la culpabilité de son ami. Et quand le lecteur en vient à s’interroger, tout comme l’écrivain, « Qu’as-tu à avouer, que veux-tu dire exactement ? » la réponse est fournie en fin d’ouvrage évidemment.

Le bouquin est très bien écrit, une belle écriture feutrée économe de détails superflus, qui joue sur les sensations, les non-dits et les actes manqués. D’où les remords, sujet de ce livre.   

 

« Un nouveau patron pour un nouveau bar. Brun, petit format, plutôt mignon, sympa. Je sais comment j’ai réagi en découvrant Didier, j’ai réagi exactement comme n’importe quel client de café-tabac, de restaurant, de ces lieux où l’on reste plus de deux minutes réagirait en voyant arriver la nouvelle patronne ou la nouvelle serveuse. C’est forcément ce que j’ai pensé, en voyant Didier pour la première fois, ce petit gars brun au sourire rouge qui s’installait parmi nous, j’ai eu forcément la même réaction qu’un macho devant une petite serveuse, parce qu’il donnait ça à voir et à ressentir, Didier, il était mignon Didier le tueur, et sympa, oui, et bien foutu si vous voulez tout savoir (…). Dans la géhenne où il brûle sans doute, Gorgones et Erinyes doivent se pousser du coude et échanger des clins d’œil quand  passe le petit brun aux yeux noirs, tellement sexe, chérie, un homme, un salaud comme on les aime. »

 

 

Alain Defossé, Jean Genêt, Alain Defossé  On ne tue pas les gens  Flammarion  - 142 pages –