07/03/2019
Anne-Marie Lallement : Au Café sans nom
Anne-Marie Lallement a fait une trentaine de documentaires. Il y a très longtemps elle a écrit une maîtrise d'américain sur Bob Dylan et la chanson engagée des années 70. Aujourd'hui elle écrit des nouvelles, de la poésie et fait de la mosaïque. Au Café sans nom son dernier ouvrage, vient de paraître et si le sous-titre (Un Cahier rose pour Patti Smith) intrigue – et m’a fait ouvrir ce livre – il annonce néanmoins clairement le propos de l’auteure.
Anne-Marie Lallement associe ses journaux intimes avec les livres de Patti Smith, en particulier M Train (mais pas que). Une idée qui n’a rien de saugrenue car la première peut à juste titre s’identifier avec la seconde, des parcours différents certes, mais l’effet miroir entre la poétesse rock et la documentaliste écrivaine ne manque pas d’intérêt. C’est donc dans un cahier rose que Lallement va converser avec Patti Smith, panachant les extraits de ses journaux de passages des livres de l’autre. Si vous n’avez jamais lu l’Américaine vous avez ici, quasiment deux bouquins en un, une bonne affaire donc !
L’auteure a eu une vie bien remplie, c’est le moins que je puisse dire. Pour la résumer à grands traits, née circa la fin de la Seconde guerre mondiale, elle a pas mal roulé sa bosse, de l’époque hippie à travers l’Europe, plus tard aux Etats-Unis ou l’Afrique du Nord, en particulier l’Algérie qui lui offrira son mari et père de sa fille, Isham aujourd’hui décédé (« tout ce qui venait d’Algérie, hommes, femmes, objets, étaient alors sacrés pour moi ! »). Une vie de militantisme de gauche alimentée en parallèle par la contre-culture des années 70, une intellectuelle de cette riche époque, toujours encore aujourd’hui à courir expositions, conférences, projections cinématographiques aux quatre coins de la France ; une vie faite de rencontres multiples et liées à cette mouvance, d’hommes pour un soir ou d’amours plus profondes, d’amis d’amis qu’on loge pour une nuit ou plus sur le canapé du salon. A moins qu’elle ne lise son Libé installée à une table du Café sans nom, un troquet du XXème arrondissement, proche de chez elle. Le bouquin est aussi un annuaire des bistrots parisiens (ou pas), le dernier salon où l’on cause pour l’auteure…
Outre sa vie personnelle, elle note dans ses journaux des réflexions politiques (« La classe ouvrière est épuisée, la classe moyenne, lasse, et les riches ne savent plus où investir. On avait rêvé de fleurs et de paix, d’une internationale chantante et d’une jeunesse généreuse qui allait enfin changer le vieux monde… ») qui donnent une claire idée de la personne qu’elle doit être.
Pour en revenir à l’effet miroir entre ses souvenirs et ceux de Patti Smith, citons par exemple, le grand chagrin des deux femmes pour leur compagnon disparu, Isham pour la Française et Fred « Sonic » pour l’Américaine, ou bien encore ces cafés où toutes deux écrivent, Le Café sans nom de ce côté de l’Atlantique et le Café Ino pour l’autre. Sans oublier, le plus important bien sûr, cette solitude intérieure qu’elles partagent désormais…
J’ai beaucoup aimé ce bouquin, parce qu’il m’a ramené à mes propres centres d’intérêt d’hier, parce qu’il sent la bohème, parce que je suis un admirateur de Patti Smith et surtout parce que l’idée du livre est bonne. Quel dommage qu’il souffre de quelques défauts mineurs mais qui comptent négativement quand même : reprendre ce qu’on a noté dans ses journaux intimes c’est bien mais il faut les retravailler sinon on se retrouve avec des répétitions qui méritaient d’être évitées, des évènements et des idées mal ordonnancées. Bref il aurait fallu une relecture plus fouillée pour mettre plus d’ordre dans ce déballage. Mais là c’est le lecteur maniaque qui parle, tout le contraire de l’auteure, telle que je l’imagine d’après ce texte… !
« Je voulais aller au Café sans nom, mais comme mon amie Marie m’a parlé d’une émission sur la fac de Vincennes, haut lieu de la culture gauchiste, j’ai voulu la regarder en replay. J’y ai donné des cours dans cette fac, à deux reprises : en 1969, au département d’Anglo-américain, où j’ai enseigné pendant un an l’américain via l’univers et les chansons de Dylan (j’avais passé ma maîtrise sur les chanteurs contestataires aux USA), la deuxième fois ce fut de 1990 à 2002, des cours de sémiologie au département du FLE (Français Langue Etrangère). Tout cela se passa très bien sauf au niveau du fric, les chargés de cours dont je faisais partie, étant payés des cacahuètes avec six mois de retard »
Anne-Marie Lallement Au Café sans nom Un cahier rose pour Patti Smith Les Impliqués Editeur – L’Harmattan – 187 pages -
07:19 Publié dans JOURNAUX | Tags : anne-marie lallement, patti smith | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |