20/01/2018
Sara Baume : Dans la baie fauve
Sara Baume, née en 1984, est Irlandaise. Après avoir étudié les beaux-arts et la création littéraire elle se lance dans l’écriture. Dans la baie fauve, son premier roman (2015), vient tout juste d’être traduit, le second paru l’an dernier en Grande-Bretagne attend son tour.
Le narrateur dont on ne saura jamais le nom, cinquante-sept ans, « trop vieux pour prendre un nouveau départ, trop jeune pour baisser les bras », vit seul dans la maison léguée par son père, dans un petit village du bord de mer en Irlande. Le hasard le fait adopter un chien borgne qu’il nomme fort justement, One Eye. Mais le tandem miséreux va devoir fuir le village quand la fourrière s’intéressera de trop près au chien…
Un homme et un chien, deux solitudes réunies par le hasard. L’arrivée du chien crée une source de vie dans la routine de l’homme, une compagnie qui va tourner à l’amour au point qu’il n’imagine plus vivre sans son chien. Le roman est un long monologue où l’homme s’adresse à One Eye par un tutoiement plaçant parfois le lecteur dans la position du chien, ce qui a pour effet d’en faire une sorte de confession. Et au fur et à mesure qu’on progresse dans la lecture de l’ouvrage, la personnalité de l’homme se dévoile. Il n’a jamais connu sa mère, élevé par une voisine, il n’a pas été à l’école… Des troubles psychologiques le tiennent à l’écart des autres et du monde et il vit reclus dans sa bicoque. Quand les deux devront fuir le village, le bouquin devient road movie, la vieille bagnole leur servant d’habitation, l’homme dépensant ses maigres économies à leur nourriture frugale. Je n’en dis pas plus sur les évènements, d’abord parce que nous n’avons pas ici un roman du genre pétaradant, ensuite parce que la fin réserve des surprises assez surréalistes ou d’une grande inventivité.
Un premier roman éblouissant tant l’écriture de Sara Baume est superbe. Tout en finesse et délicatesse, aucune mièvrerie dans les rapports homme/chien ; on suit ces deux êtres avec une chaleureuse sympathie, porté par la narration ouatée de l’écrivain où se mêlent mélancolie et rêverie, puis intrigué et un peu effaré par ce qu’on commence à découvrir de cet homme. Sachez aussi que la faune et la flore sont à l’honneur, Sara Baume paraissant calée en ces domaines.
A me relire je sens que je n’ai pas vraiment trouvé les bons mots pour exprimer mon admiration, voire mon enthousiasme mais je ne peux pas non plus, en dire plus sur le contenu. Par contre je vous garantis que nous avons affaire à une très belle plume et qu’il faudra surveiller la sortie de son prochain roman.
Donc, une lecture que je recommande fortement.
« Tu engloutis la tranche de pain, te pourlèches les babines, et la jeune fille éclate spontanément de rire. L’espace d’un instant, j’ai l’impression d’être quelqu’un de normal faisant quelque chose de normal. Je regarde la foule autour de moi, les marchands ambulants, les passants, les mères de famille derrière leur poussette à trois roues, les adolescents collés les uns aux autres, les vieillards qui trottinent, appuyés sur leur déambulateur. Et je me sens presque ordinaire, presque anodin, presque confiant. Et c’est bon, tellement bon. »
Sara Baume Dans la baie fauve Editions Noir sur Blanc Notabilia – 300 pages –
Traduit de l’anglais (Irlande) par France Camus-Pichon
07:40 Publié dans Etrangers | Tags : sara baume | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |