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Louis Guilloux : Le Pain des rêves

louis guilloux, joseph peyréLouis Guilloux (1899-1980) journaliste, natif de Saint-Brieuc, publie son premier roman en 1927 et en 1935 Le Sang noir rate de peu le prix Goncourt (raflé par Joseph Peyré avec Sang et Lumière). Ses convictions humanistes le conduiront à devenir secrétaire du 1er Congrès mondial des écrivains antifascistes et responsable du Secours Populaire. Le Pain des rêves date de 1942.

Peu avant 1914 dans une petite ville de Bretagne. Le narrateur, un jeune enfant d’une dizaine d’années, vit dans une ancienne écurie avec sa mère Mado, son grand-père paternel et ses frères. Le père ayant abandonné femme et enfants, le grand-père fait survivre la maisonnée grâce à son métier de tailleur ou plutôt ravaudeur. Un des frères du narrateur, marin au long cours, n’est jamais là tandis que Pélo, le cadet estropié, végète dans un fauteuil. Dans ce monde de pauvreté, débarque la cousine Zabelle, venue de Toulon avec son mari, son amant, son clebs adoré… et tout va changer… !

En partie autobiographique, le roman est en deux parties. La première retrace les conditions de vie de la famille du narrateur, la seconde voit entrer en scène un personnage exubérant, la cousine Zabelle. De l’ombre à la lumière, mais toujours avec le regard d’un enfant, ce qui nous vaut un roman initiatique.

Dans cette première partie, si le lecteur adulte devine la grande détresse matérielle des protagonistes, celle-ci se trouve adoucie par le regard innocent que porte sur elle l’enfant, d’autant qu’il est un peu rêveur aux dires de son instituteur. Par contre son étonnement est grand : portraits saisissants des gens peuplant son quartier et la rue du Tonneau à la triste réputation locale, comme ce Durtail, le tonnelier qui voudrait être marin. A moins que ce ne soit de l’émerveillement devant la procession religieuse ou plus encore avec la parade du cirque ambulant (seule la parade est gratuite)… Et si l’école apporte ses moments difficiles, engueulades du maître, elle sait aussi offrir des heures enchantées.

La seconde partie, plus solaire, explose d’agitation et de surprises renouvelées avec cette Zabelle, une cousine éloignée et inconnue de l’enfant qui débarque en fanfare  dans l’univers morose de nos Bretons. Avec sa petite troupe (mari, amant, chien) docile et entièrement à sa botte, elle va régenter la vie de Mado et de son fils, qui entretemps ont vu leurs conditions de vie s’améliorer un peu grâce aux bonnes œuvres d’une comtesse.

Si le roman s’achève sur une fin un peu abrupte, il n’en reste pas moins magnifique à tout point de vue. L’écriture est superbe sans être datée, ce que certains pourraient craindre au regard de sa date de parution. Mais on en retiendra surtout, l’empathie profonde de l’écrivain pour tous ses personnages, un quasi amour pour ces pauvres gens, sans jamais tomber dans le pathos dégoulinant de mièvrerie. Jamais Guilloux ne cherche à tirer une larme au lecteur, au contraire, par le biais du regard d’un enfant, il réussit à rendre la misère heureuse – si j’ose dire – car elle n’est pour lui que source d’étonnement.

Un très beau roman que j’invite tout le monde à lire.   

 

« Quelqu’un heurtait une chaise, et dans l’instant, la lampe s’allumait. Je comprenais que ma mère s’était levée sans rien dire, qu’elle avait trouvé et remis au grand-père les allumettes, puis, s’était recouchée bien vite. Car il ne lui était pas permis d’allumer elle-même la lampe. Seul, mon grand-père avait ce droit. C’était sa lampe, elle était sacrée. La lampe de ses veillées, et des veillées de son père avant lui. Tout autant que de l’horloge il en prenait un soin pieux, mais comme si, plus encore que de la tenir en bon état, il avait dû la défendre contre les autres, c'est-à-dire contre nous-mêmes. »

 

 

louis guilloux, joseph peyréLouis Guilloux   Le Pain des rêves  Folio – 477 pages –

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20/11/2017 | Lien permanent

Patti Smith : L’Année du singe

Patti Smith, Fernando Pessoa, Roberto Bolano, Allen Ginsberg, Walt Whitman, Peter OrlovskyPatricia Lee Smith dite Patti Smith, née en 1946 à Chicago, est une chanteuse et musicienne de rock, poète, peintre et photographe américaine. L’Année du singe, son nouveau livre, vient de paraître.

2016, l’astrologie chinoise place cette année sous le signe du Singe et Patti Smith va avoir 70 ans. Sans parler réellement de bilan, ce récit très touchant permet à l’auteure de revenir sur des pans de sa vie, souvenirs heureux ou tristes, rencontres, lieux visités, en mêlant le vécu avéré, le rêve et la réalité alternative.

Ce sont bien entendu les pages concernant les hommes qui furent ses amants/amis qui sont les plus émouvantes car beaucoup nous ont quittés. Le grand absent, son époux Fred "Sonic" Smith,  guitariste du MC5, décédé en 1994, puis son aventure tragique avec Allen Lanier, mort en 2013,  guitariste du Blue Öyster Cult. Mais lorsque débute le livre, c’est le sort de Sandy Pearlman (producteur de musique américain, manager, poète et auteur), grand ami de Patti Smith, qui inquiète. Tombé dans le coma, il décédera en juillet de cette année du Singe funeste. Autre figure célèbre de ce cortège morbide, Sam Shepard, dramaturge dont elle s'était amourachée avant de réaliser qu'il était marié et père ; restés excellents amis, alors qu’il est atteint de la maladie de Charcot dans son fauteuil roulant, elle l’aide à terminer in extrémis son dernier ouvrage puisqu’il disparaîtra à son tour en juillet 2017. Ne pensez pas qu’il s’agisse d’un long faire-part de décès, ce n’est pas dans la mentalité de Patti Smith de chialer sur son sort. Bien sûr elle regrette le bon temps passé avec ces hommes, mais elle sait surtout se souvenir d’eux avec joie. 

Le récit, longue rêverie, nous entraîne de la Californie et autres Etats américains au Portugal, pays européen patrie de Fernando Pessoa où mourut Roberto Bolano, deux écrivains qu’elle apprécie, d’ailleurs les références littéraires (Auteurs et titres de romans) abondent tout du long du texte. Si Patti Smith s’est fait connaître par le rock, la littérature est désormais un terrain où elle excelle.

Sans s’attarder, mais avec une délicatesse acide, elle ne peut passer sous silence, les conventions Démocrates et Républicaine en vue de l’élection présidentielle qui se prépare et ce résultat ahurissant « Vingt-quatre pour cent de la population avaient élu le pire d’entre nous pour représenter les soixante-seize pour cent restants » qualifiant « d’escroc » celui dont elle ne mentionnera jamais le nom.

Les familiers de l’écrivaine retrouveront ses manies communes à plusieurs de ses livres, son goût pour le café, le détail de ce qu’elle mange ou cette étonnante propension à se fringuer chez les fripiers ! L’image de l’artiste à la vie de bohème. Ca pourrait ressembler à de la frime, mais chez Patti Smith on sent qu’elle est à cent lieues de ce genre d’idée, juste elle, au naturel. 

Tout le récit magnifiquement écrit, baigne dans une ambiance mêlant le rêve et la réalité ; de la poésie onirique, une mélancolie sans larmes, une sagesse bohème et malgré les drames, une acceptation zen qui lui permet de persister « à penser que quelque chose de merveilleux est sur le point de se produire. » J’ai adoré ce livre, peut-être parce que tous les acteurs me sont bien connus et que je les suis depuis toujours ? J’ai dévoré ce texte pas très long en deux temps de lecture (appelé par d’autres obligations) et j’aurais aimé qu’il ne se termine jamais mais « le problème avec les rêves c’est qu’on finit par se réveiller. »

 

« Je m’installe au bureau et sors mon vieil appareil photo Polaroid Land de mon sac pour en inspecter les soufflets. Le recueil d’Allen [Ginsberg] est ouvert à la page du poème « Un supermarché en Californie ». Je me le représente assis en tailleur par terre, à côté de son tourne-disque, chantant en chœur avec Ma Rainey. Commentant Milton, Blake et les paroles d’Eleanor Rigby. Humectant le front de mon jeune fils qui souffrait de la migraine. Allen psalmodiant, dansant, mugissant. Allen dans son sommeil de mort avec un portrait de Walt Whitman suspendu au-dessus de lui, et le compagnon de sa vie, Peter Orlovsky, agenouillé à son côté, le recouvrant de pétales blancs. »

 

 

Patti Smith, Fernando Pessoa, Roberto Bolano, Allen Ginsberg, Walt Whitman, Peter OrlovskyPatti Smith   L’Année du singe   Gallimard – 175 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard

Avec de nombreuses photos Polaroid en Noir et Blanc réalisées par Patti Smith

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Julien Delmaire : Delta Blues

Julien Delmaire, Eddy L. Harris, Hervé Gagnon Julien Delmaire, né en 1977, est un poète et écrivain français. Il anime de nombreux ateliers d'écriture dans les établissements scolaires, en milieu pénitentiaire et dans les hôpitaux psychiatriques. Son nouveau roman, Delta Blues, vient de paraître.

Je ne sais pas si le Mississipi est en crue mais ses eaux inondent ce bouquin et plusieurs de mes lectures récentes (Eddy L. Harris : Mississipi solo ; Hervé Gagnon : Crossroads) et pour faire bonne mesure, Robert Johnson le bluesman est dans tous les coups. Hasard ou maléfice vaudou ?

Clarksdale et sa région dans le delta du Mississippi en 1932. Dans la communauté Noire, Betty et Steve, sont jeunes, beaux et ils s’aiment. Mais quel peut-être leur avenir quand la ségrégation règne avec son bras armé le Ku Klux Klan qui répand la terreur à la lueur des croix enflammées ?

Un résumé hyper-court et à cent lieues du contenu de ce roman qui en réalité est une véritable fresque s’attachant à restituer la vie et l’ambiance d’une communauté dans le delta du Mississipi à cette époque particulièrement dure pour les gens de couleur. L’écrivain ne va donc pas se cantonner à suivre Steve et Betty - ce qui m’a surpris au début de ma lecture – mais au contraire, il éclate son récit en de multiples vignettes dressant le portrait d’autant de personnages tout aussi importants ou parfois secondaires : Steve bosse dans une boulangerie, Betty dans une blanchisserie et sa tante Sapphira est la guérisseuse/sorcière locale ; propriétaires Blancs et riches, cueilleurs de coton Noirs et pauvres ; shérif raquetteur des petits commerçants ; politiciens véreux ; distilleurs d’alcool et trafiquants ; prostituées dans des bouges minables où on joue du Blues. Tyrannie du Blanc sur le Noir mais réalité plus complexe quand le pauvre pactise avec le riche espérant s’en tirer ; racisme éhonté avec Ku Klux Klan et violences contre les Noirs, mais le Blanc ne rechigne pas à violer celles qu’il abhorre par ailleurs ; Pasteur alcoolique ou pire encore… Etc. Il y aurait tant à dire. La galerie de portraits est complète, les liens psychologiques entre les uns et les autres parfaitement esquissés.   

Julien Delmaire connait son affaire, on peut même se demander si ce livre n’est pas en réalité un hommage au Blues. Sous couvert d’une histoire multiple, il reprend les grands thèmes des classiques du blues et pour que son message soit clair, il fait intervenir comme personnages secondaires de fameux musiciens, Robert Johnson le cador du genre (un rôle plus que secondaire en fait), Son House, Willie Brown…, nous inoculant « la maladie de vivre ». Et qui dit blues, dit diableries, Sapphira la tante de Betty convoque Legba, la divinité vaudoue pratiquant la métamorphose.

Un excellent roman. L’écriture est magistrale flirtant parfois avec la poésie quand l’intrigue le demande, certaines pages sont grandioses, le lecteur s’inquiète quand le mystère rôde, enrage quand la brutalité et la vilénie frappent les faibles, retient ses larmes quand l’émotion est trop forte (l’enterrement de Dora la prostituée assassinée par exemple) et se réjouit de croiser ses bluesmen favoris dans des situations très crédibles.

La fresque historique s’achève en 1946, certains depuis sont morts, d’autres reviennent de la guerre en Europe constatant qu’ici encore Noirs et Blancs ne cohabitent pas alors qu’à Paris il y a peu, ils flirtaient avec les jeunes filles de leur âge. Après toutes ces années et malgré les épreuves, Steve le Noir et Aaron Posner, vieux tailleur Juif, immigré venu d’Allemagne sont toujours amis. Envers et contre tout, comme un symbole d’alliance entre les proscrits.

Ne ratez surtout pas ce roman c’est une pure merveille tant pour le style que pour l’émotion qu’il suscite. 

 

« Ses paroles, ainsi qu’un long psaume tressé de lierre et de charmille, embrassaient les contours flous du passé. Constance ferma les paupières. Elle vit l’âme orangée de Dora vaciller comme une flamme de benzène et regretta de l’avoir reléguée toutes ces années au ban de son affection. Quand Betty eut terminé son épitaphe de plein ciel, Constance dit : Hallelujah ! Et toute l’assemblée reprit à l’unisson : Hallelujah, pour l’étrangère perpétuelle, la promise des pierres, Hallelujah, pour le temps assassin et l’enfance retrouvée ! L’écho de la bénédiction parvint jusqu’à Sapphira, derrière la grille. La sorcière se pencha, prit un peu de terre dans ses paumes et murmura en direction de l’oiseau noir qui surveillait les tombes : « Erzulie, Frida, accueille-la ! Erzulie Dantor, venge-la ! » »

 

 

Julien Delmaire, Eddy L. Harris, Hervé Gagnon Julien Delmaire   Delta Blues   Grasset  - 493 pages -   

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Georges Simenon : Les Sept Minutes

georges simenonGeorges Simenon est un écrivain belge francophone (1903-1989). L'abondance et le succès de ses romans policiers (notamment les « Maigret ») éclipsent en partie le reste d'une œuvre beaucoup plus riche. Simenon est en effet un romancier d’une fécondité exceptionnelle, on lui doit 192 romans, 158 nouvelles, plusieurs œuvres autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son propre nom et 176 romans, des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous 27 pseudonymes !

Ce que j’aime bien avec les bons écrivains ayant beaucoup publié, c’est fouiner dans leur œuvre pour évaluer la qualité de leurs écrits les moins connus. Les Sept Minutes, recueil de nouvelles policières publié en 1938, est de ces livres.

Trois nouvelles composent cet ouvrage, mettant en scène l’inspecteur G.7 (sic !) sous une forme qui m’a légèrement évoqué Sherlock Holmes puisque ces enquêtes sont rapportées par son ami (ici jamais nommé) à la manière d’un Watson, toujours étonné par la manière dont procède l’inspecteur pour découvrir la vérité.

Le recueil s’ouvre avec Le Grand-Langoustier : sur l’île de Porquerolles, trois jeunes femmes, touristes solitaires, ont disparu en une dizaine de jours. Nos deux compères débarquent pour mener l’enquête menant vite sur le domaine d’un ex-baroudeur au style de vie qui choque dans le patelin. Soleil, chaleur, femmes peu vêtues, sensualité diffuse…

Dans le second texte, La Nuit des Sept Minutes, la police reçoit une lettre anonyme annonçant la mort d’un homme habitant un pavillon à Asnières. G.7 et ses hommes cernent la maison, le crime a néanmoins lieu : personne n’est entré, personne n’est sorti, l’arme du crime n’est plus sur place. Le mystère de la chambre jaune ? Suite à cette défaillance de la police, G.7 donne sa démission et devient détective privé, bien qu’il ait résolu l’énigme comme il se doit.

La première affaire se présente à notre détective, L’Enigme de la Marie-Galante : un armateur de Fécamp le contacte, l’une de ses goélettes hors d’usage au fond du port a pris la mer, retrouvée vide dans la Manche et ramenée à Fécamp, on a découvert un cadavre de femme dans le réservoir soudé ! G.7 a choppé un gros rhume et mène ses investigations depuis sa chambre avec l’aide de son ami.

Certes, ce n’est pas du haut niveau, les intrigues sont peu crédibles ou tirées par les cheveux, le nom de l’inspecteur m’a laissé perplexe, mais mon tout reste une lecture plutôt agréable. Parce que ça se lit extrêmement vite et parce que c’est du Simenon et qu’on part avec un à priori favorable…. Si vous connaissez bien l’écrivain jetez-y un œil, par contre les novices devront s’initier à l’auteur avant, au risque d’être déçus.

 

« Il me semblait que le soleil m’entrait sous le crâne par tous les côtés. Je respirais des odeurs trop fortes. Je crois bien que je regardai Emma, cette bonne débraillée, aux cuisses nues, avec un peu trop d’insistance. Je crois même que M. Henry adressa une œillade à l’Amiral. (…) Et Lili arriva, mignonne, le corps moulé dans un pyjama de plage couleur saumon. Elle fit ds grâces. Elle prétendit qu’elle préférait boire quelque chose doux. – Ta gueule !... Avale un whisky comme tout le monde !... lui lança Henry. Le décalage commença. Il n’y eut plus, pour moi, de délimitation bien précise entre le réel et l’irréel. » [Le Grand-Langoustier]

 

 

georges simenonGeorges Simenon  Les Sept Minutes   Editions Rencontre Georges Simenon Œuvres complètes Vol.5    – 140 pages –

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David Joy : Ce lien entre nous

David Joy, Ron Rash   David Joy, né en 1983 à Charlotte en Caroline du Nord, est un écrivain américain. Une licence d’anglais et un master spécialisé dans les métiers de l’écrit en poche, encouragé par son professeur Ron Rash, il se lance dans l’écriture. Il vit actuellement en Caroline du Nord et quand il n’écrit pas, pratique la pêche, la chasse et les activités manuelles. Ce lien entre nous (2020) est son dernier roman paru.

Caroline du Nord, dans les Appalaches. Lors d’une nuit de braconnage, Darl Moody tue par accident Carol Brewer, lui-même en train de voler des plants de ginseng dans un bois. Paniqué, il demande à Calvin Hooper son unique ami, de l’aider pour faire disparaitre le corps. Une décision lourde de conséquences car Dwayne Brewer, frère de la victime, un colosse réputé pour sa violence et sa cruauté, va retrouver leur piste et se venger à sa manière…

Si le résumé semble prometteur mais banal - c’est aussi pour cela que j’avais tardé à lire ce roman - soyez plus malins que moi et foncez directement sur ce magnifique roman. 

Je ne vais pas trop entrer dans l’intrigue proprement dite faite de morts violentes, de séquestration, de peur et d’anxiété, s’achevant par un épilogue surprenant et plein de suspense. Le meilleur est ailleurs, dans ses protagonistes, les liens qui les relient les uns aux autres, les questions morales soulevées par ce roman.

 Dwayne adorait son jeune frère Carol. Autant le premier est une brute capable de tout et du pire, autant l’autre était un gentil pas fait pour cet environnement, ne serait-ce que familial sordide et misérable. Et déjà point toute l’ambiguïté de ce roman, Dwayne est cruel mais il sait aussi être plein d’humanité ( ?), prenant la défense d’un gosse brimé par une petite frappe de son âge, acharné à protéger Carol. La bête est imprégnée des textes de la Bible, lue près de cent fois, il s’est fait une vision du monde et des hommes bien à lui, d’ailleurs il se vantera à un moment d’être un prophète.

Darl Moody, de son côté, était aussi un gentil. Il faisait vivre tant bien que mal, sa mère, sa sœur et ses enfants, par ses chasses légales ou non. Le meurtre était un accident, la suite le choix face à un cas de conscience, soit se dénoncer à la police et aller en prison, condamnant sa famille à une plus grande misère, soit tenter d’effacer le crime. Calvin Hopper lui, ne voulait pas entrer dans ce jeu mais par amour pour son faible ami, il se laisse embarquer. Les liens de l’amitié véritable.

Plus loin dans le texte quand Dwayne, détenant sa petite amie, et Calvin devront s’affronter pour le finale, l’écrivain met ces mots dans la bouche du colosse mystique « Chacun de nous luttant pour se raccrocher à ce qu’on aime le plus, pas un meilleur que l’autre. (…) Pour qui es-tu prêt à donner ta vie, mon ami ? A part ça, il n’y a rien. » D’un côté, un homme seul avec ses seules croyances bibliques qui ne craint pas la mort, face à un autre dont l’amour de sa vie a été pris en otage. La mort n’a pas le même poids/prix pour tous… n’est-ce pas une métaphore nous renvoyant à une tragique actualité entre occidentaux et djihadistes ?

Un excellent roman, puissant, très bien écrit où l’écrivain ne prend parti pour personne, les bons ne sont pas toujours purs et les méchants les plus horribles pas complètement pourris. Un bouquin incontournable.

 

 

« En se retournant, il avait vu son frère à genoux, le visage rouge comme une pivoine, sa tache de vin sombre rendu brillante par les larmes. Il avait alors compris que Carol n’était pas taillé pour cet endroit, que certaines personnes étaient nées trop douces pour supporter la férocité qui les entourait. Il n’y avait pas de place pour la faiblesse dans un tel monde. La survie était si souvent une question de dureté. »

 

 

David Joy, Ron Rash   David Joy   Ce lien entre nous   Sonatine – 302 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau

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Sandrine Collette : Juste après la vague

sandrine colletteSandrine Collette, née en 1970 à Paris est une romancière française. Passé un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique, elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre tout en travaillant à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines. Son nouveau roman, Juste après la vague, vient de paraître.

Un volcan qui s’effondre dans l’océan déclenche une monstrueuse inondation et des perturbations climatiques sans précédent. Une famille, Pata, Madie et leurs neuf enfants se retrouvent isolés dans leur maison, sur un bout de terrain condamné à être submergé dans un avenir proche, aujourd’hui une île au milieu de l’océan. La situation est simple : soit ils attendent la mort tous ensemble, soit ils tentent de retrouver un sol ferme et sûr en s’enfuyant sur leur barque. A ce détail près, la frêle embarcation ne peut emmener tout le monde. Qui soit-être sacrifié ?

Une fois de plus Sandrine Collette sait inventer des histoires qui décoiffent, chaque nouveau roman est une surprise, souvent atroce mais qui tient en haleine. Existe-t-il dilemme pire que celui-ci, devoir abandonner une partie de ses enfants pour sauver le reste de la famille ?

Le roman est découpé en trois parties égales pour un plan narratif simple. Le premier tiers nous le passons avec les enfants abandonnés nuitamment sur l’île, les parents leur laissant un mot et des provisions pour tenir une dizaine de jours, laissant entendre que le père reviendrait les chercher vers cette époque. Les gamins (le plus âgé n’a que onze ans) vont devoir affronter la solitude tout en constatant la montée inexorable des eaux.

La seconde partie, le lecteur la passe avec les passagers de la barque. Les périls sont nombreux à les guetter, tempêtes soudaines, une bête énorme et non identifiée qui les suit sans relâche et tente de les attaquer (ambiance Les Dents de la mer)...

Si pour tous, les dangers physiques sont nombreux, ce sont les angoisses psychologiques des acteurs qui insufflent une force terrible à ce roman. Vous devinez que la mère n’en peut plus mais ce n’en sera que plus poignant quand vous le lirez. La mère et le père s’affrontent à fleuret moucheté, d’un côté les actes et les sentiments irrépressibles pour elle, de l’autre la logique et le raisonnement froid pour lui.

La dernière partie du roman est plus agitée, accélérations et rebondissements (souvent improbables, il faut néanmoins en convenir, avec une fin pas terrible à mon avis) tiennent le lecteur en haleine.

L’écriture de Collette est particulièrement cinématographique, on voit littéralement le film se dérouler sous nos yeux. A ce propos, je suis très étonné qu’aucun de ses bouquins n’aient encore été adapté pour le cinéma (il me semble ?). Un roman poignant, émouvant et terrible dont tous ne sortirons pas vivants, vous l’imaginez bien. Certains passages vous feront monter les larmes aux yeux tandis que d’autres seront adoucis par les réflexions innocentes dont sont coutumiers les petits enfants dans des situations tragiques. J’ai beaucoup aimé aussi l’utilisation du terme « les petiots » - qui n’est plus guère usité de nos jours – pour désigner les enfants en bas âge, il qualifie parfaitement les gosses en y ajoutant la dose d’amour qu’ils méritent.

Un bon roman malgré les quelques défauts rapidement (car sans importance) évoqués précédemment.  

 

« Peut-être si Liam et le père ramaient fort, douze jours. Mais douze jours, cela ne réglait pas toujours le problème. Le problème, c’était ce que le père n’arrivait pas à dire et qui lui arrachait la gueule : ils n’avaient qu’une seule barque. Et la mère avait tout compris, comme il s’en doutait, parce qu’à ce moment-là elle posa sur lui un regard de feu, haine et désespoir mêlés, un regard qui l’accusait définitivement – et elle murmura, comme si c’était lui, rien que lui, comme si tout était de sa faute, la mer, la tempête et le malheur : - Qui vas-tu laisser ? »

 

 

sandrine colletteSandrine Collette  Juste après la vague  Denoël – 302 pages –

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29/01/2018 | Lien permanent

Emily Ruskovich : Idaho

Emily Ruskovich Emily Ruskovich a grandi dans les montagnes du nord de l’Idaho et elle enseigne l'écriture créative à l'Université du Colorado à Denver. Idaho, son premier roman, vient de paraître.

Idaho au mois d’août 1995. Wade, Jenny et leurs deux petites filles, June et May, ramassent du bois dans une clairière de montagne. L’instant délicieux devient drame atroce quand Jenny tue d’un coup de machette sa fille May et que June s’enfuit, disparaissant à jamais. Plusieurs années plus tard, Wade s’est remarié avec Ann et ils vivent modestement dans un chalet proche des lieux tragiques. Jenny purge sa peine en prison, June s’est volatilisée et Ann va tenter de comprendre ce qui s’est passé exactement lors de cet été meurtrier.

Je n’ai pas aimé ce roman, pas aimé du tout ! Mais comme je souhaite toujours que les choses soient claires pour vous qui me lirez, il est fort possible que ce soit là un très grand livre, j’y vois même la patte d’une écrivaine de talent, cela est certain. Il n’empêche que j’ai eu toutes les peines du monde à en terminer la lecture.

Que les âmes sensibles soient immédiatement rassurées, l’infanticide n’est pas décrit avec précision, il est même expédié d’une ligne en une quasi ellipse, même s’il restera l’acte fort et dramatique sous-tendant tout le reste du bouquin.

Le roman est d’accès difficile, les chapitres nous baladent d’époque en époque sans chronologie, entre 1995 et 2025. Le récit est entièrement basé sur la psychologie de ses acteurs, les souvenirs réels ou inventés pour reconstruire un passé mystérieux. Car d’un côté nous avons Wade, le père effondré, qui lentement devient amnésique et peut-être dément, sujet à des actes violents et ponctuels envers sa nouvelle épouse et dont il se repent immédiatement, de l’autre, Ann qui cherche à savoir ce qui s’est passé dans la clairière, comme une mission qu’elle s’impose, « Elle a pris le passé de Wade et l’a étalé devant elle, faisant de son propre avenir un retour en arrière, alors que ce passé disparaît ». Retours en arrière, liens entre les personnages qui se dessinent lentement quand on avance dans le texte, double personnalité quand Ann s’introduit mentalement dans les faits et gestes de Jenny, tels qu’elle les imagine… On est parfois à la limite du surnaturel quand il semble que leurs esprits entrent en résonnance. C’est très compliqué à suivre, du moins est-ce mon ressenti.

L’écriture d’Emily Ruskovich est très douce, jouant sur le mystère de l’acte qui ne sera jamais élucidé. Le rythme est lent, l’ambiance lourde ou pesante de non-dits, d’ellipses ou de révélations reportées. Le roman m’a paru extrêmement long à lire, m’obligeant à de fréquentes pauses pour tenter de comprendre ce que je lisais. Bref, épuisant.    

Un roman plein d’amour autant que de peines et de souffrances, où les absents pèsent plus que les présents et où les vivants tentent de réanimer les morts pour se libérer d’un fardeau trop lourd à porter.

Je ne suis pas entré du tout dans ce livre (franchement atypique dans le catalogue de cet éditeur) mais il n’y a aucune raison que ce soit le cas pour vous… ?

 

« Allongée dans leur lit, elle fixait le mur. Il s’est étendu derrière elle et, dès qu’il l’a touchée, elle a senti le changement dans le corps de Wade. Il était redevenu lui-même. – Je ne m’en suis pas rendu compte, a-t-il dit. Une sensation de soulagement a fusé en elle, et elle a dû fermer les yeux pour la contenir à l’intérieur d’elle-même. Tout son corps en tremblait. Voilà qu’elle pleurait de nouveau. Il l’a enlacée. – Je suis terriblement désolé. Quand elle a entendu qu’il pleurait, lui aussi, elle s’est tournée vers lui. Elle a caressé son visage, tendrement, promenant un doigt le long de sa joue et en travers de son front, comme elle l’aurait fait avec un enfant. – Ce n’est pas grave, a-t-elle dit en souriant à travers ses larmes. »

 

 

Emily Ruskovich Emily Ruskovich   Idaho   Gallmeister – 358 pages –

Traduit de l’américain par Simon Baril 

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Patrick Michael Finn : Ceci est mon corps

Patrick Michael Finn, Patrick Michael Finn est un romancier et nouvelliste américain, né à Joliet dans l’Illinois. Titulaire d'un B.A. à l'Université de Californie à Riverside et d'un M.F.A. à l'Université de l'Arizona, il vit à Mesa en Arizona avec son épouse, l'écrivaine Valerie Bandura, et leur fils. Ceci est mon corps, son premier roman, est sorti chez nous en 2018.

Dans la communauté Polonaise d’un quartier de Joliet, dans la banlieue de Chicago. Suzy Kosasovich, une adolescente de quatorze ans, mène une vie étriquée entre des parents peu présents, ses études et les bondieuseries de sa grand-mère. Son rêve serait d’être remarquée et plus encore par Joey, un loubard bien plus âgée qu’elle, caïd de leur rue, qui sort avec Darly, formant un couple bruyant autant que démonstratif, souvent alcoolisé… Ce rêve va se muer en cauchemar lors d’une nuit de Walpurgis, un sabbat de sorcières, le soir du Vendredi saint. 

Ce court roman très noir, se déroule principalement le temps d’une nuit, dans un bar miteux abandonné pour l’occasion aux adolescents du quartier qui vont y mettre l’Enfer. C’est là que Suzy, poussée par une force intérieure irrépressible, entre pour affronter son destin. Une gamine innocente de tout, se jetant sur l’alcool, bières et shots de vodka, les cigarettes, pour la première fois de sa courte vie. Le bar est bondé de gars qui s’arsouillent, au milieu, Joey, sa bande et Darly sa nana, une dévergondée forte en gueule que la petite Suzy va tenter de déloger dans le cœur de son héros. Dans cette foule de prolos en devenir, Mickey Grogan, sale, puant de la gueule, une main en charpie après être passée dans une machine de l’usine où il bosse alors qu’il était bourré, n’a d’yeux que pour Suzy…

Les bégueules auront du mal avec ce bouquin, pourtant c’est un très bon roman. Certes il faut endurer cette folie d’une nuit, d’autant plus insoutenable qu’il s’agit de gamins ou presque, alcoolisés au-delà du raisonnable qui vont se livrer à des actes dommageables. La rivalité entre les deux filles va être terrible, physique et psychologique, se battant comme chiffonnières après que Joey attirée par la chair fraîche, ne « consomme » la gamine dans l’arrière boutique, de son côté Darly par vengeance et dépit, va s’offrir à la meute des poivrots du bar dans un gang-bang ahurissant au fond des chiottes…

Je vois vos yeux levés au ciel en une interrogation muette, « c’est quoi ce truc ignoble ? » : et pourtant, sous ces guenilles se cachent de jolies jambes (pour paraphraser Georges Brassens). Sous ses airs de gros durs, Joey ne peut se passer de Darly, un amour spécial mais réel ; Grogan le moqué et Suzy l’ignorée, partagent la même solitude, celle de ceux qui ne peuvent s’intégrer dans une bande, et l’on sait comme elle coûte quand on est jeune. Quant au finale, magnifique - même s’il est d’une noirceur encore plus effroyable que ci-dessus –  il est d’un pessimisme absolu par son constat froid, en une seule nuit Suzy, quatorze ans seulement, a définitivement enterré un avenir qui ne s’annonçait déjà pas particulièrement optimiste.            

 

« - Chuis un artiste, ouais, dit Joey, la voix pâteuse. Un artiste de la baise. J’ai mon propre musée de la baise dans cette rue. Tous, ils s’étranglèrent de rire. Suzy comprit que c’était elle la blague, quelle bande de connards, et Joey était qu’un connard lui aussi, mais le bourbon lui monta subitement à la tête et ses yeux s’emplirent de larmes. Elle contint ses sanglots en fixant de toutes ses forces le cendrier au milieu de la table, un cercle rouge doté de quatre petites encoches qui enlaçait un amas infect et fumant de mégots écrabouillés. – Merde, elle va gerber, dit l’un d’eux, et Suzy se réjouit qu’ils n’aient pas perçu l’immensité de sa tristesse. »

 

Patrick Michael Finn, Patrick Michael Finn   Ceci est mon corps   Les Arènes – 189 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Yoko Lacour

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04/03/2019 | Lien permanent

Richard Lange : La Dernière chance de Rowan Petty

richard langeRichard Lange, né en 1961 à Oakland en Californie, est un écrivain américain. Issu d'un milieu ouvrier, il s'essaye aux études de cinéma à l'université de Californie du Sud, voyage en Europe et enseigne l'anglais à l'institut Berlitz de Barcelone. De retour à Los Angeles, il fait toutes sortes de jobs dans l'édition avant de se lancer dans l’écriture. A son actif, un recueil de nouvelles et ce troisième roman, La Dernière chance de Rowan Petty qui vient de paraître. 

Rowan Petty, petit escroc néanmoins sympathique, se voit proposer une grosse affaire par une ancienne relation. Objectif : récupérer à Los Angeles deux millions de dollars, butin résultant d’une arnaque montée par des militaires en Afghanistan. Sur ce pitch de départ vont venir se greffer, Tinafey la prostituée Black dont notre héros va tomber amoureux, Sam sa fille qu’il ne voit guère et Carrie son ex-femme, Beck un acteur has-been, Tony le soldat estropié qui cache le fric…

Autant vous le dire tout de suite, ce ragoût très mangeable n’est pas assez épicé pour moi car Lange n’est pas un écrivain diabolique, alors si vous êtes amateur de romans noirs, passez votre chemin. Ici, nous sommes dans le gris très clair. Pour autant, le bouquin aura toute ses chances avec un large public comme par exemple : les cardiaques ou malades du cœur qui ne risqueront pas les émotions fortes, les âmes sensibles qui n’auront rien à craindre de scènes de violence appuyées, les prudes qui s’éviteront les scènes de sexe torrides, les lecteurs un peu lents du cerveau qui n’auront aucun mal à suivre l’intrigue. Ce qui fait déjà beaucoup de monde.

Et il ravira carrément celles qui aiment les belles histoires (larme au coin de l’œil) où un père absent retrouve sa fille et se voue à son avenir compromis par une grave maladie. En fait, je me demande d’ailleurs si ce n’est pas là, le vrai sujet du livre. Avec piques au système médical américain « - Soigner une tumeur coûte extrêmement cher dans notre pays. Vous pourrez négocier une remise, mais vous devez savoir qu’une maladie comme celle-ci peut vous laminer si vous n’y êtes pas préparé. – On parle de combien, à peu près ? – Un million de dollars au bas mot, et ça pourrait être beaucoup plus selon l’évolution de son état. – La vache. » Un million pour les soins, deux millions pour le magot… vous voyez le topo ?

Donc, le roman ne m’a pas emballé outre mesure mais je dois être juste, il se lit très bien avec son rythme mid-tempo et surtout sa naïveté rafraichissante. Je conclurai en laissant la parole à l’écrivain, « Merde alors, c’était du grand n’importe quoi » (page 380) – puisque l’auteur a toujours raison.

 

« Diaz remit le flingue dans sa poche et se rendit à la cuisine. La bestiole qui fouillait dans les déchets s’enfuit à son arrivée. Il perçut distinctement le bruit de ses griffes sur le lino gondolé. Il se mit à la fenêtre qui donnait sur le garage en ruine au bout de l’allée. Devant lui, l’évier débordait d’assiettes sales. Respirant par la bouche, il regarda le flic actionner la poignée et faire basculer la porte en métal. (…) Le flic sut tout de suite où chercher, bizarrement. Il déplaça une marmite à tamale et un sac de couchage, enfonça une main dans le trou et en sortit deux cabas de chez 99 Cents Only. Il regarda à l’intérieur pour vérifier puis ressortit du garage, qu’il referma. Ce mec est un ripou. Ca fit tilt dans l’esprit de Diaz. »

 

richard langeRichard Lange   La Dernière chance de Rowan Petty   Albin Michel – 400 pages –

Traduit de l’américain par Patricia Barbe-Girault

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11/03/2019 | Lien permanent

Henri Lœvenbruck : Nous rêvions juste de liberté

Henri Lœvenbruck Henri Lœvenbruck, né en 1972 à Paris, est un écrivain, chanteur et compositeur français. Auteur de thrillers, de romans d'aventure et de fantasy, il est traduit dans plus de quinze langues. Auteur-compositeur-interprète, il écrit des chansons pour lui-même et pour d'autres artistes français. Nous rêvions juste de liberté date de 2015. 

Une petite ville d’un pays imaginaire tirant un peu sur la France et beaucoup sur les Etats-Unis. Hugo dit « Bohem », le narrateur, fait partie d’une bande de quatre adolescents « remuants » avec Alex, « la Fouine » et Oscar « le Chinois » sous la houlette de leur chef Freddy, un beau gosse d’origine ritale amateur de motos. Rejeté par sa famille, Bohem est carrément fasciné par Freddy qui le prend sous son aile, lui apprend la mécanique et lui communique son amour pour les bécanes et la liberté. La bande des quatre, fratrie pour la vie, fait les quatre-cents coups. Mais la vie est aussi faite de désillusions, alors quand Freddy abandonne le groupe pour se ranger et bosser avec son père au garage, le reste de la bande menée par un Bohem qui se sent trahi, se lance dans un road-trip à travers tout le pays…  

Voyage initiatique, l’odyssée de Bohem connaitra mille aventures et autant de rencontres. Nos motards s’initieront petit à petit aux codes d’honneur et rituels des bikers – ces frères de cuir et de gros cubes – apprenant et respectant leurs lois. Marche après marche, Bohem créera son propre club, d’autres amis de rencontre se joindront à eux, il y aura des départs et des arrivées, des bastons et des bières bues, des filles mais des drames aussi. Et toujours, au fond de son cœur, Bohem songe à Freddy.

Easy rider, Born to be wild, la route qui file, le vent, la machine qui vibre entre les cuisses, cette sensation de liberté intense que les mots peinent à décrire, Bohem ne vit que pour ça, même ses compagnons ne pourront le suivre si loin dans ses rêves, même sa chérie ne pourra le retenir, il continuera sa route seul jusqu’à son destin. Destin tragique qu’il affrontera cramponné à son code de l’honneur.

Je ne vais pas vous mentir, mon cœur de midinette (?) a craqué en lisant ce magnifique roman et je l’ai refermé, les larmes aux yeux, car il a ranimé des rêves de jeunesse que je pensais enterrés à jamais au plus profond de moi, cette époque où « nous avions vingt ans et nous rêvions juste de liberté ».  

Ma réaction est certainement exagérée mais vous, sachez que le récit ne traine pas, que le ton est léger souvent teinté d’humour, qu’il y a beaucoup de tendresse et d’amour viril ou pas et que c’est bon bouquin.

 

 

« Essaie de ne jamais oublier tes rêves. La vie, les gens, tous essaieront de t’empêcher d’être libre. La liberté, c’est un boulot de tous les jours. Un boulot à plein temps. Cette bague, elle est là pour que t’oublies jamais. Quand je me suis retourné vers le bar et que j’ai gueulé « Tournée générale ! » à l’intention du patron, Pat et Lobo ont éclaté de rire, et toute la salle a poussé des cris, bon sang, c’était un sacré moment ! Je l’ai encore au doigt, aujourd’hui, ma bague. Et elle a encore plus de valeur, maintenant, c’est sûr. C’est la seule chose que j’ai gardée. »

 

 

Henri Lœvenbruck Henri Lœvenbruck   Nous rêvions juste de liberté   J’ai Lu   - 490 pages –

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