29/07/2017
Raphaëlle Bacqué : Richie
Raphaëlle Bacqué est une journaliste française, née en 1964 à Paris. Elle débute sa carrière à l'AFP, puis travaille pour France-Soir où elle est envoyée spéciale pour les Pays de l'Est. En 1992, elle rejoint Le Parisien puis l'hebdomadaire Marianne où elle couvre la politique intérieure. En 1998, elle devient journaliste au journal Le Monde où elle est aujourd’hui grand reporter. Auteure de plusieurs livres politiques, Richie, son dernier ouvrage date de 2015.
Richie, c’est le surnom que donnaient ses étudiants à Richard Descoings (1958-2012), le directeur de Science-Po décédé dans des conditions suspectes dans une chambre d’hôtel à New York - un an après l’affaire DSK au Sofitel - ce qui fit les choux gras de certains médias à l’époque. Ce livre est un portrait/biographie de cet homme mystérieux et complexe, résultant d’une longue enquête approfondie auprès de tous ceux qui l’ont connu ou fréquenté.
Comme Janus, Richard Descoings avait deux visages : une vie publique respectable, un haut fonctionnaire français, Conseiller d'Etat qui fut de 1996 jusqu'à sa mort, directeur de l'Institut d'études politiques de Paris (IEP) et administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). En 1991, il devient conseiller technique pour les questions d'éducation au cabinet de Michel Charasse, ministre délégué au Budget et au printemps 1992, il est nommé chargé de mission dans le cabinet de Jack Lang au ministère de l'Education nationale et de la Culture, où il est responsable des questions budgétaires de l'Education nationale.
Le revers de cette médaille, c’est sa vie privée – mais pas tant que cela. Richie est homosexuel, il fréquente les bars gays du Marais, les fêtes et tous les excès liés à ce milieu joyeux, alcool, drogues… On imagine bien qu’après certaines nuits épuisantes quand il arrivait au bureau le matin, il n’était pas très frais.
Si ce n’est l’épisode tragique de son décès rapporté par les journaux, je ne connaissais absolument pas Descoings et n’étant pas particulièrement curieux des mœurs de nos contemporains connus, j’ai appris que Richie vivait avec Guillaume Pépy (le patron de la SNCF) et que d’autres, cités dans le bouquin, occupant des postes importants dans le privé ou l’administration, constituaient une petite bande se partageant entre plaisirs et intérêts communs. Mœurs compliquées pour Richard Descoings puisqu’il en viendra à épouser - par amour réel néanmoins - Nadia Marik (divorcée du frère de Carlos Ghosn puis du publicitaire Thierry Granier-Deferre) tout en étant encore avec Pépy…
Ca peut paraître un peu graveleux à me lire mais en fait, sa personnalité double est très importante pour tenter de comprendre la psychologie de Descoings, un homme qui voulait être aimé de tous, prêt à bousculer tous les tabous de l’époque, cravachant sans relâche pour moderniser son école, bourreau de travail, transformant Sciences-Po en vivier de tous les pouvoirs, faisant de son conseil d’administration une pièce maîtresse de l’échiquier politique. Mais il a aussi ouvert les amphithéâtres aux élèves des banlieues, envoyé ses étudiants dans les universités les plus prestigieuses du monde… Mais il était aussi devenu très autoritaire, régentant tout, ayant des idées très « personnelles » sur la gestion de sa boite, faisant de sa femme son adjointe, il fallait le suivre sans piper mot ou se voir virer.
Un bouquin qui se lit comme un polar politique, nous invitant dans les coulisses des pouvoirs en tout genre où nous croisons ceux qui font la une des JT du 20h. L’écriture est limpide, Raphaëlle Bacqué ne juge pas, à peine si sa plume lâche de-ci, de-là, une pique discrète et d’autant plus savoureuse (« Pierre Moscovici, qui enseigne avec nonchalance… »).
« Richard a une manière de marcher au bord de l’abîme qui épuise son entourage. C’est un homme qui aime entraîner les autres dans les incendies qu’il provoque. Il fume trop, boit plus que de raison et replonge parfois dans ses anciens démons, cocaïne et ecstasy, qui lui donnent l’illusion de pouvoir vaincre le sommeil et l’adversité. Une journaliste l’a croisé rue du Faubourg-Saint-Antoine au petit matin, pieds nus, la chemise déchirée, clamant : « Je sors de boite de nuit ! » Son amie Christine Lagarde, après un week-end à Port-Cros chez des amis communs, où elle l’a vu ivre à tomber par terre, a confié à un proche : « Il faut que nous lui disions d’arrêter, sinon il ne durera pas très longtemps. » »
Raphaëlle Bacqué Richie Grasset – 282 pages –
07:30 Publié dans BIOGRAPHIES | Tags : raphaëlle bacqué | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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