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16/10/2017

Pramoedya Ananta Toer : La Fille du Rivage

Pramoedya Ananta Toer Pramoedya Ananta Toer (1925-2006) est né sur l’île de Java. Après avoir été emprisonné par le gouvernement colonial hollandais de 1947 à 1949, il est envoyé en 1965, sous la dictature de Suharto, au bagne de Buru, dont il sort en 1979 sous la pression internationale. Grand humaniste, fidèle à ses idéaux jusqu’à la fin de sa vie en 2006, il est surveillé et systématiquement censuré. Son œuvre  est immense avec plus de cinquante romans, nouvelles et essais, traduits dans près de quarante langues. La Fille du Rivage, datant de 1962, traduit chez nous en 2004, vient d’être réédité en poche. Pour la petite histoire, ce roman qui s’étale sur plusieurs années, est inspiré de la vie de la grand-mère de l’écrivain. 

A Java au début du XIXème siècle, colonie hollandaise. L’héroïne n’est jamais nommée, sauf par son surnom, Gadis Pantai (« La fille du rivage » en indonésien). Quatorze ans et fille d’un modeste pêcheur a été demandée en mariage par un riche chef de la région (un Bendoro). « Demandée » est une façon de parler car elle n’a pas vraiment le choix. Passer de son petit village où le minimum vital vous fait passer pour un rupin, au palais du Bendoro relève du changement de dimension. Une ascension sociale qui débute comme un conte de fée. Qui débute seulement…

La jeune fille va devoir s’acclimater à son nouvel environnement où elle doit tout apprendre. Le protocole, les prières (Coran) ou s’habituer à avoir une servante. Une vieille femme qui lui sera d’un grand secours tant qu’elle sera à ses côtés, une bonne âme qui comprend le désarroi de l’enfant et vient du même milieu social qu’elle. Il faut reconnaitre qu’en ce début de roman, le Bendoro n’est pas un méchant homme. Souvent absent pour ses affaires, il offre des cadeaux à son épouse et ne la rudoie pas. Au point qu’après cette période d’apprentissage, Gadis Pantai en vient à s’attacher à lui, presque jalouse quand il part plusieurs jours pour ses missions. Mais toujours, ses parents lui manquent, tout comme son village où la vie est si différente et si simple.

Jusque là on pourrait dire que tout se passe relativement bien pour la jeune fille mais bien entendu elle va devoir déchanter et je vous laisse le découvrir en vous cachant un évènement très important. Le final est particulièrement déchirant autant pour Gadis Pantai que pour le lecteur ; la tradition locale associée au pouvoir des nobles sur les pauvres va laminer notre pauvre héroïne qui va se retrouver seule au monde : éjectée du palais car répudiée par son maître (elle n’était qu’une épouse de pacotille, un noble ne pouvant réellement se marier avec une femme de condition inférieure) et elle-même abandonnant sa famille pour ne pas rentrer humiliée au village.  

Finalement, La Fille du Rivage n’aura jamais vécu. Par la faute involontaire de ses parents qui espéraient par ce mariage la sortir de sa condition de pauvre, par la faute des traditions du pays avec ces mariages arrangés où une enfant peut être « vendue » et servir d’épouse temporaire à un homme riche et puissant.

C’est bien écrit, agréable à lire, et même si ce n’est pas le type de romans que je préfère, il est plutôt réussi. Seule vraie critique ou remarque : la longue séquence du retour au village avec les pirates et le mariage entre un local et une jeune femme accompagnant Gadis Pantai m’a semblé assez farfelue !? Mais vous me connaissez, il faut toujours que je relève un truc négatif…

 

« La servante avait grande envie de mettre en garde la jeune femme, mais elle n’osa pas. Elle eut peur. Elle savait bien que le Bandoro pouvait changer de première dame trente-six fois par jour sans que son autorité en soit le moins du monde affectée. Elle savait qu’un jour ou deux après avoir mis au monde son premier enfant, cette jeune femme innocente s’engagerait peut-être sur la même route qu’elle et la suivrait, sans le moindre doute : une vie d’esclave. Et cette jeune mère souffrirait plus qu’elle, parce qu’elle aurait un enfant mais devrait s’en aller sans lui. Elle ne pourrait pas le revoir. Et, si elle le revoyait, ce ne serait pas son enfant, mais celui du Bendoro, l’homme qu’elle devrait vénérer et servir. »

 

Pramoedya Ananta Toer Pramoedya Ananta Toer  La Fille du Rivage  Folio – 339 pages –

Traduit de l’indonésien par François-René Daillie 

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