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09/03/2024

La belle saison de la lecture

Dans un texte de Virginia Woolf, Des heures à lire* paru en 1916 et que je vous conseille fortement, l’écrivaine déclare : « Au-delà des généralités, il n’est guère difficile de démontrer, preuves à l’appui, que la belle saison de la lecture se situe entre dix-huit et vingt-quatre ans. »

Je ne sais pas ce qu’il en était à son époque mais aujourd’hui c’est une affirmation très banale constatée par tout le monde.

Cette période de notre jeunesse est celle où notre esprit est le plus ouvert, prêt à toutes les expériences et découvertes. C’est à cet âge que nous sommes initiés à ce qui définira notre avenir et notre personnalité. C’est vrai pour les livres et nos lectures mais il en est tout autant pour les autres aspects de notre existence.

Oui, c’est bien durant cette époque que j’ai fait mes plus belles expériences de lecteur qui elles-mêmes m’ont poussées vers d’autres écrivains et livres. Je me sentais explorateur d’un monde qui peu à peu me révélait ses richesses jusqu’alors insoupçonnées. Cinquante ans plus tard j’ai encore la nostalgie de ces terrains vierges où je m’engageais livre après livre. Certes, aujourd’hui je lis toujours de bons bouquins mais ce n’est plus pareil. Même quand c’est très bon, j’ai (presque) toujours l’impression de fouler un chemin déjà parcouru. Blasé ? Peut-être, mais c’est mon sentiment…

Revenons au texte de Virginia Woolf, plus loin elle déclare : « Mais l’ancien désir de savoir ce que pensaient les auteurs immortels a laissé place à une curiosité bienveillante qui nous pousse à savoir ce que pensent nos contemporains. »

Là, j’avoue avoir tiqué. Car ce n’est absolument pas mon ressenti ! L’écrivaine avait peut-être en tête l’idée que cette curiosité s’appliquait à une autre tranche d’âge particulière ? Pour ma part, aujourd’hui septuagénaire, c’est tout le contraire. S’il fut une période où je tenais à savoir ce que pensait le monde qui m’entourait pour comprendre comment il tournait, désormais, lassé, déçu (?), affligé, je me contente des informations mais ce n’est surtout pas dans les romans que je vais chercher des explications ou des justifications aux problèmes de nos sociétés. Ce monde n’est plus le mien. Bonne chance à vous !

Pour en terminer avec ce très beau texte de Woolf, je suis bien d’accord avec elle quand elle écrit : « Quoi que nous ayons appris des classiques, nous en avons besoin aujourd’hui pour évaluer le travail de nos contemporains. » Et plus encore : « Mais une vérité s’impose : on peut les lire aussi souvent que l’on veut sans qu’ils perdent la moindre de leur qualité et sans qu’ils ne se muent en une vaine coquille de mots. »

 

 

*Le texte de Virginia Woolf est à lire dans Essais choisis (Folio n° 5895) ou bien dans Des Heures à lire et autres courts essais (Folio n° 7340 qui vient de paraître).