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07/07/2025

Alex Taylor : Gasping River

Alex Taylor, Alexandre Dumas, Alex Taylor vit à Rosine, Kentucky. Après divers métiers improbables, fabriqué du tabac et des briquets, démantelé des voitures d’occasion, tondu des pelouses de banlieue et aussi été colporteur de sorgho pour différentes chaînes alimentaires, il s’est lancé dans l’écriture. Diplômé de l’université de Mississippi il enseigne aujourd’hui à l’université de Western Kentucky. Gasping River son nouveau roman vient de paraître.

Kentucky. Glen, ancien boxeur pour combats minables, peintre à ses heures et vieil homme aujourd’hui, bosse pour Charlie Olinde « il était propriétaire d’une boutique d’électronique en ville et arbitrait de temps en temps des matchs de boxe clandestins, mais il gagnait vraiment sa croûte comme usurier auprès des joueurs alcoolisés ». Quand les payeurs se montrent récalcitrant il fait appel à ses sbires, Earl et Buddy, Glen intervenant en bout de chaine comme « nettoyeur », chargé de faire disparaitre les cadavres. Au cours d’une de ces missions, noyant un corps au fond de la Gasping River, il est aperçu par Emmalene, une jeune fille « d’une beauté saisissante ». Contraint de l’enlever contre son gré, elle lui révèle être à la recherche de son grand-père disparu, avant de s’évader. Glen tente de la retrouver ignorant que Charlie Olinde a mandaté Earl et Buddy pour le descendre…

Je ne sais pas si my Taylor is rich mais ma bibliothèque, elle, s’est enrichi d’un troisième très bon roman de l’écrivain.

Ce qu’il faut tout de suite savoir, c’est que le résumé ci-dessus, correspond bien à l’entame du roman mais n’a quasiment rien à voir avec la globalité du livre ! Le bouquin mêle deux histoires, un peu comme dans le conte des Mille et Une Nuits, Glen et Emmalene aux mains des deux tueurs, Glen doit expliquer à quoi correspond la fresque murale en cours de réalisation et celui-ci se lance dans la vraie intrigue de ce roman !

Une intrigue, légende locale, remontant à plusieurs générations en arrière et débutant avec le capitaine d’un bateau à aube tombant éperdument amoureux de la chanteuse de cabaret qui anime les soirées de son vapeur et le conduira à sa perte. Naufrage, poursuites, situations extravagantes et échevelées, hasards heureux ou non, personnages hauts en couleurs… impossible de tout résumer, naissance d’un enfant qui lui-même etc. pour in fine trouver un lien ténu avec Glen et Emmalene ! C’est peut-être ce qui ne fera pas l’unanimité chez les lecteurs car c’est un peu too much comme chez Alexandre Dumas parfois.

Oui, moi aussi, j’ai levé les yeux au ciel quelques fois, mais comme toujours chez Alex Taylor, on ne peut absolument pas résister à son écriture qui sort du commun. Quel style ! C’est d’une grande beauté en permanence, avec du lyrisme, de la poésie et de l’émotion, les mots sont précis avec des termes rares, un poil de mysticisme (des pommes comme dans le jardin d’Eden et deux frères genre Abel et Cain ?) bref un souffle puissant et envoûtant.  

Avec cette histoire dans l’histoire, l’écrivain démontre le pouvoir de la fiction, avançant l’idée que les récits peuvent avoir un effet puissant sur la vie des personnages et les maintenir en vie (comme Shéhérazade ?). Les autres thèmes du bouquin, la violence et la rédemption (Glen, par exemple, lutte avec son passé violent et ses actions présentes) mais aussi la peinture qui nous vaut de très beaux passages quand Glen exprime tout son amour pour cet art avec ce surprenant parallèle « c’était que la boxe aiguisait son métier de peintre, car chaque coup de poing, chaque direct et chaque uppercut portaient à son palais le goût du rouge et la délicatesse de l’or. (…) Le ring l’attirait à lui parce que c’était le lieu où il se gavait de couleurs. »  

 

« Le Kentucky était le territoire qu’il avait cherché à peindre toute sa vie. Tour à tour d’un bleu sombre puis étoffé par le jaune des pâturages, à chaque heure son sang faisait résonner les couleurs de cet endroit avec le retentissement d’une cloche. Il s’y efforçait dans ses rêves, terres lointaines perdues derrière un rideau de brume, un espace qui changeait trop vite pour qu’il y trouve ses marques, mais qui ne changerait jamais dans son souvenir. (…) C’est comme si l’air était bon nulle part ailleurs, fit-il soudain en se remémorant les champs de sa jeunesse. »

 

 

Alex Taylor, Alexandre Dumas, Alex Taylor   Gasping River   Gallmeister  - 352 pages - 

Traduit de l’américain par Fabienne Gondrand

 

 

 

 

 

« En ce qui le concernait, toute la sagesse du monde avait été annoncée depuis la scène du Grand Ole Opry avant l’année 1956, et il ne l’aurait jamais admis mais il préférait de loin There Stands the Glass au Sermon sur la montagne. »