10/10/2012
Colette : Dialogues de Bêtes
Colette, de son vrai nom Sidonie-Gabrielle Colette, romancière française née à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) le 28 janvier 1873, clouée dans un fauteuil par l'arthrose elle s'éteint dans son appartement du Palais-Royal le 3 août 1954. Elle a été élue membre de l’Académie Goncourt en 1945.
Paru en 1904 Dialogues de Bêtes est l’un de ses premiers ouvrages. Deux personnages, Toby-Chien -un chien- et Kiki-La-Doucette -un chat Chartreux-, discutent. Ils parlent de leur vie quotidienne rythmée par les saisons et les actions de Elle et Lui, leurs maîtres « seigneurs de moindre importance ». Comme une pièce de théâtre en douze tableaux, les deux acteurs dialoguent, seuls sur scène. Elle et Lui ne sont qu’évoqués, toujours proches mais jamais vus.
On connaît le monologue de la Pomponette dans La Femme du Boulanger de Marcel Pagnol, l’homme s’adresse à l’animal pour mieux dire à sa femme ce qu’il a sur le cœur, ici c’est un peu l’inverse, les animaux discutent entre eux pour mieux nous faire entrer dans l’intimité de leurs maîtres. Les couples sont formés, le chien et sa maîtresse qu’il adore et ne quitte pas d’une semelle, elle fut artiste de music-hall, le chat et son maître ; les premiers sont actifs, les seconds sont plus calmes, le maître passant son temps à écrire dans son bureau.
Le chien est un peu primaire, le chat plus délicat ; le chien est à la solde de sa maîtresse, le chat plus indépendant ; le premier est tout fou, le second réfléchi. Colette maîtrise parfaitement les codes et les habitudes des animaux, leur transposition dans ce texte au zoomorphisme évident est un pur régal, les caractères des bêtes sont magnifiquement cernés et traduits. Quant au style, même si ce sont principalement des dialogues, il transpire un phrasé et une langue riche et élégante, de la belle ouvrage !
« Toby-Chien. – Tout le bien et tout le mal me viennent d’Elle… Elle est le tourment aigu et le sûr refuge. Lorsque, épouvanté, je me jette en Elle, le cœur fou, que ses bras sont doux, et frais ses cheveux sur mon front ! Je suis son « enfant-noir », son « Toby-Chien », son « tout petit h’amour »… Pour me rassurer Elle s’assoit par terre, se fait petite comme moi, se couche tout à fait, pour m’enivrer de sa figure au-dessous de la mienne, renversée dans sa chevelure qui sent bon le foin et la bête ! Comment résister alors ? Ma passion déborde, je la fouis d’une truffe énervée, je cherche, trouve, mordille le bout croquant et rose d’une oreille – Son oreille ! – jusqu’à ce qu’Elle crie, chatouillée : « Toby ! c’est terrible ! au secours, ce chien me mange ! ».
Colette Dialogues de Bêtes Le Livre de Poche
16:11 Publié dans Français, ROMANS | Tags : colette | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |