Nina Allan : Les Bons voisins

Nina Allan, née en 1966 à Londres, est une romancière et nouvelliste britannique. Elle a étudié la langue et la littérature russes à l'université de Reading et à l'université d'Exeter, puis obtenu un master de littérature à l'université d'Oxford. Elle a travaillé comme acheteuse d'une chaîne de disquaires, puis comme libraire à Londres, jusqu'en 2011 avant de se consacrer entièrement à l'écriture. Son nouveau roman, Les Bons voisins, vient de paraître.

Ecosse. Ile de Bute à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Glasgow. Il y a vingt ans, John Craig a assassiné sa famille, son épouse et ses deux enfants dont Shirley, quinze ans, meilleure amie de Cath, avant de se tuer en voiture. Cath, aujourd’hui photographe, revient sur l’île pour la première fois et poursuivre son projet professionnel, photographier des maisons où se sont déroulés des faits dramatiques. Aujourd’hui la maison du crime est occupée par une jeune femme, Alice, une analyste financière qui a voulu fuir son métier, son couple et l'anxiété qu'elle ressentait à Londres. Entre les deux femmes une amitié immédiate se crée alors que Cath va s’engager dans une enquête sur ces meurtres une affaire dans laquelle subsistent beaucoup trop de zones d'ombre…

Un roman dont l'atmosphère ambiguë ne peut que séduire les amateurs d’étrangeté car s’y mêle habilement une enquête policière et un chouya de fantastique lié au folklore écossais.

L’enquête consistant à revenir sur le passé fait appel aux souvenirs des uns et des autres, ainsi qu’à ceux de Cath, or, quoi de plus fragiles que des souvenirs qui nous forgent une vision biaisée, voire fausse peut-être de ce qu’était la réalité ? L’oubli permettant d’effacer des zones trop douloureuses ou difficiles à supporter.

Cette apparence de polar masque en réalité un bouquin plus psychologique et profond par l’apport de détails touchant au folklore écossais (fées, lutins etc.) ce qui permet à l’écrivaine de mêler réalité et imagination au plus grand plaisir du lecteur qui lit ce livre de plus en plus intrigué et curieux de savoir où tout cela va l’entraîner, s’interrogeant sur la perception du réel et l’influence des croyances sur nos vies. L’intrigue se déroulant sur une île crée un espace confiné et mystérieux, un genre de huis-clos en plein air (!).

Et du mystère ou du pas très clair on en trouve ailleurs encore : Cath a des discussions in petto avec Shirley la défunte et une vague aura érotique plane sur tout l’ouvrage, attirance plus que particulière entre Cath et Alice aujourd’hui et entre Cath et Shirley hier… Enfin, astuce basique mais toujours efficace, insérer du réel vérifiable pour rendre plausible le faux, en évoquant les peintures de Richard Dadd (1817-1886) ce peintre anglais à l'inspiration fantastique et onirique, mettant en scène des personnages merveilleux telles des fées, avec un sens du détail et de la couleur très développé, ou les travaux de Roger Penrose, un mathématicien anglais né en 1931, cosmologiste et philosophe des sciences.

Clairement un bon bouquin.

 

« « Ecoutez, dit-elle. Il faut que je vous pose la question. C’est à propos du crime ? » Ca en disait beaucoup sur Alice – et Cath en prendrait conscience plus tard – le fait qu’elle aborde le sujet maintenant, franco, avant que l’une ou l’autre ne commencent à mentir sur ce qu’elles savaient, donc établissent une relation sur de faux prétextes. Beaucoup de gens n’auraient pas osé mettre les pieds dans le plat comme ça. Ils auraient attendu de savoir ce que Cath était disposée à révéler et ce qu’elle voulait au juste. Ils auraient choisi, inconsciemment peut-être, de conserver l’avantage. »

 

Nina Allan   Les Bons voisins   Tristram  - 310 pages -    

Traduit de l’anglais par Bernard Sigaud