08/08/2017
Sandrine Collette : Il reste la poussière
Sandrine Collette, née en 1970 à Paris est une romancière française. Passé un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique, elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre tout en travaillant à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines. Un premier roman en 2013, quant à Il reste la poussière, il date de 2016.
En Patagonie, cette région d’Amérique du Sud, reflet du grand Ouest américain avec ses cow-boys locaux appelés gauchos, une estancia perdue dans la pampa, où vivent une mère et ses quatre enfants. Vaches, moutons, chevaux, le labeur ne manque pas et chacun s’épuise à la tâche. Comme si la vie n’y était pas assez dure comme cela, l’ambiance familiale – si je peux employer ce mot ici – n’est faite que de haine, où tous se détestent les uns et les autres. Il y a les deux aînés, Mauro et Joaquin, des jumeaux ; Steban de deux ans plus jeune, un quasi muet qualifié de « débile » par ses frangins et enfin Rafael, le cadet, un gosse maltraité et brutalisé par les deux grands, jamais accepté par ses frères car « venu en trop » dans la famille, juste après la disparition du père. Quant à la mère, elle mène son monde à la baguette par la terreur quand elle ne picole pas ou ne perd pas son maigre argent au poker dans le bled le plus proche. Ce monde clos, enfer sur terre, va éclater par petits bouts, d’abord quand Joaquin « perdu » au poker par sa mère, va devoir partir travailler dans une autre ferme, puis plus tard quand Rafael – instrument du destin - après un périple à la recherche de chevaux enfuis, rapportera un pactole inespéré qui va mettre le feu aux poudres et réveiller le dieu du carnage…
Je ne sais toujours pas réellement ce qu’est un chef-d’œuvre, mais ce bouquin ne doit pas en être bien loin. Le roman est d’une puissance inouïe, comme j’en ai rarement lus, la haine entre les membres de cette famille est épouvantable, les scènes terribles se succèdent. Sandrine Collette maîtrise son art à la perfection : une histoire originale rondement menée et une étude de caractères qui vous glace les sens. Tout le roman joue sur les rapports de force entre les uns et les autres, évoluant en fonction des évènements. Joaquin exclu de la famille contre son gré va découvrir un autre monde qui à l’usage s’avère meilleur que celui d’où il vient ; Raphael, l’avorton, va revenir de son expédition comme d’un voyage initiatique, presqu’un homme désormais ; Mauro et sa mère seront châtiés et Steban, métamorphosé lui aussi, peut espérer des jours meilleurs…
Les premières pages du livre m’ont surpris, l’écriture me semblait « bizarre » et puis, le temps que je me fasse à cette musique, j’en suis tombé raide dingue tant elle est superbe.
Un sacrément bon roman !
« Elle les déteste tout le temps, tous. Mais ça aussi, c’est la vie, elle n’a pas eu le choix. Maintenant qu’ils sont là. Parfois elle se dit qu’elle aurait dû les noyer à la naissance, comme on le réserve aux chatons dont on ne veut pas ; mais voilà, il faut le faire tout de suite. Après, c’est trop tard. Ce n’est pas qu’on s’attache : il n’est plus temps, c’est tout. Après, ils vous regardent. Ils ont les yeux ouverts. Et vraiment la mère y a pensé, mais elle a manqué le coche. Alors les jours où elle ne supporte plus les fils, elle se venge en se rappelant qu’elle aurait pu le faire. Elle les a eus à portée de main. Il n’y avait qu’à les lâcher dans l’eau. Et jamais ils ne se rendront compte de ce qu’ils lui doivent, jusqu’à la simple chance de vivre. »
Sandrine Collette Il reste la poussière Denoël - 302 pages –
07:31 Publié dans POLARS | Tags : sandrine collette | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |