01/06/2023
Ranpo Edogawa : La Chambre rouge
Edogawa Ranpo est le pseudonyme de l'écrivain et critique Tarō Hirai (1894-1965). Il est considéré comme l’un des principaux fondateurs de la littérature policière japonaise, influencé par Maurice Leblanc, Arthur Conan Doyle… mais parfois susceptible de dépasser le simple divertissement pour atteindre des profondeurs psychologiques.
La Chambre rouge est un recueil de cinq nouvelles, écrites entre 1923 et 1929, chacune présentée en quelques lignes pour la recontextualiser.
Le recueil s’ouvre avec La Chenille. Un soldat revenu mutilé de la guerre, les quatre membres amputés, défiguré, devenu sourd et muet, une loque ; seules traces de vie dans ce tas de chair, son regard et son appétit sexuel. A la longue son épouse soumise va évoluer, « Etant condamnée à vivre en recluse avec lui dans ce coin perdu de campagne, elle avait compris que le dégoût qu’il lui inspirait rendrait leur vie insupportable et que seule une passion démoniaque lui permettrait de le surmonter ». Erotisme troublant.
Dans La Chaise humaine, un artisan ébéniste de talent au physique repoussant imagine se dissimuler à l’intérieur d’un magnifique fauteuil en cuir à l’occidental de sa confection destiné à un hôtel de luxe pour ensuite voler les clients. Le contact entre lui et ceux qui s’y assoient, les femmes surtout, rend l’expérience sensuelle et en change le projet initial…
Deux vies cachées : deux amis, dont l’un l’estropié par la guerre l’a rendu méconnaissable et l’autre qui lui raconte une vieille aventure datant d’une vingtaine d’années, somnambule il aurait tué un vieillard pour le voler…
La Chambre rouge qui donne son titre au livre, est un cercle d’amis rongés par l’ennui accueillant un nouveau membre se faisant fort de leur faire éprouver des émotions fortes et il va leur conter comment il a tué 99 personnes grâce à des crimes parfaits…
Enfin, La Pièce de deux sen, est digne de Sherlock Holmes : la paye d’une usine volée, le coupable est arrêté mais refuse de révéler où se trouve le magot. Deux étudiants, fauchés et oisifs vont le retrouver.
Ces résumés présentent le début de chaque nouvelle ou l’idée de ce qui pourrait en être l’épilogue mais Ranpo Edogawa vous réserve une chute imprévue pour chacune. Ce qui frappe c’est la modernité de l’écriture et les sujets traités, nous sommes dans les années 20 ! Le lecteur dénichera ici ou là, une référence à Conan Doyle, Edgar Allan Poe etc. je vous laisse marier nouvelle et écrivain occidental. Erotisme discret, intrigues policières avec chute étonnante ne manquant pas d’humour. Il y a là de quoi se réjouir et passer un excellent moment.
Je recommande vivement.
« Vous avez beaucoup de chance d’avoir trouvé quelques dérivatifs dans les enquêtes policières, le spiritisme et les expériences métapsychiques ; j’envie aussi votre goût pour les films très spéciaux et les séances pornographiques en petit comité. Vos visites de prisons, de léproseries et de salles de dissection sont également d’excellentes idées, mais tout cela me laisse malheureusement indifférent. Même votre projet d’assister à une exécution capitale ne parvient pas à attiser ma curiosité. » [La Chambre rouge]
Ranpo Edogawa La Chambre rouge Picquier poche - 142 pages -
Traduit du japonais par Jean-Christian Bouvier
07:00 Publié dans Etrangers, NOUVELLES, POLARS | Tags : ranpo edogawa, conan doyle, edgar allan poe | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |