21/12/2020
Jean-Marc Graziani : De nos ombres
Jean-Marc Graziani, 44 ans, a fait des études d’histoire puis a suivi la voie familiale en devenant sapeur-pompier, comme son père. Il vit et travaille en Corse. De nos ombres qui vient de paraître, est son premier roman.
Bastia en 1954. Joseph, un gamin d’une douzaine d’années est affligé d’un don qui l’effraie, il entend des voix. Accompagné de son arrière-grand-mère, Mammo, il va être entrainé dans une mystérieuse aventure au cœur de son histoire familiale dont il ignorait tout et riche en émotions…
Oh ! Le beau roman que voilà ! Pour un premier livre Jean-Marc Graziani vient de réussir un coup de maître.
Je n’ai donné qu’un très bref résumé de l’ouvrage car il faut avouer qu’il est assez difficile à suivre et qu’en en disant plus, je déflorerais le sujet ; quant au don du gosse, ne vous imaginez pas que cela en fait un roman fantastique – même si, de-ci de-là, on flirte avec ce genre, mais nous sommes en Corse avec une grand-mère au cœur de l’intrigue, donc toutes les hypothèses sont possibles. La réalité plus prosaïque, ces mystères tiennent surtout à la construction savante de l’intrigue et l’écriture superbe de l’écrivain.
L’intrigue, donc, est une longue quête où les indices et les pièces du puzzle se dévoilent lentement, un anneau perdu jadis qu’on retrouve, une vieille photo, un disque dans un grenier ; aux faits s’ajoute l’entrée en scène de personnages multiples construisant l’arbre généalogique dont Joseph est le dernier rejeton. Le roman initiatique, se fait roman chorale, les uns et les autres, vivants ou morts à différentes époques, prennent la parole, ajoutant leur pierre à l’édifice qui se construit sous nos yeux sans qu’on en voit encore réellement la forme. L’ambiance mystérieuse en permanence nimbe le texte de fantastique (oui, quand même) quand les décédés accompagnent silencieusement les vivants. La complexité se corse (!) quand l’auteur intervient à petites doses, avouant que son histoire le dépasse : « C’est étrange ces deux histoires qui cohabitent, celle que je voulais écrire et celle qui s’impose à moi. »
In fine, Joseph découvrira le secret de son arrière-grand-mère remontant à la Seconde guerre mondiale. Si Mammo est le personnage central, d’autres femmes, nombreuses, y ont un rôle important, des mères, des femmes, des maîtresses…
Un excellent roman, très émouvant, tout en mystères pour tenir le lecteur en haleine devant le déroulé complexe de l’intrigue servie par une écriture somptueuse de grâce et d’élégance. Il faudra absolument se pencher sur le prochain livre de cet écrivain, un futur grand vient peut-être de naître ?
« Il revoyait tout, le pauvre : la main aimée à laquelle il reste juste assez de force pour achever d’écrire et plus assez pour replier le mot ; celle, anonyme, qui le fait à sa place et qui, pour satisfaire la dernière volonté du mourant, trouve n’importe quel disque pour le glisser à l’intérieur, et le disque dans l’enveloppe, et l’enveloppe dans la boîte ; les doigts qui la retrouvent derrière le meuble où elle avait glissé ; la main du facteur fouillant dans sa musette ; de Mammo qui ne savait pas ; la mienne déchirant le papier ; enfin la sienne, portant la lettre à ses yeux où les images se brouillent dans les larmes. »
Jean-Marc Graziani De nos ombres Joëlle Losfeld Editions – 191 pages –
07:00 Publié dans Français | Tags : jean-marc graziani | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |