14/02/2022
John Woods : Lady Chevy
John Woods, écrivain nouvellement arrivé dans le paysage littéraire, je n’ai pas trouvé grand-chose de sa biographie si ce n’est qu’il a grandi dans les Appalaches de l'Ohio et que son premier roman, Lady Chevy vient de paraître. Un premier roman que je n’hésite pas à qualifier d’énorme !
Barnesville, une petite ville de l’Ohio, durant la mandature de Barack Obama. Amy, surnommée Lady Chevy (« On m’appelle Chevy parce que j’ai le derrière très large comme une Chevrolet ») en raison de son surpoids, vit avec ses parents et son petit frère dans un mobil-home sur leur terrain familial. Sa mère est volage pour tromper son ennui, son père est un personnage falot (« Je sais que je n’ai pas été le meilleur des pères. Que je n’aie pas subvenu aux besoins de ma famille comme j’aurais dû. ») et son petit frère est né avec une malformation, imputée à la pollution liée à l’exploitation des gaz de schiste qui empoisonne la région, rendant l’eau non potable.
Amy déteste cette ville et fait tout pour s’en tirer, se consacrant à ses études afin d’entrer à l’université pour devenir vétérinaire. Solitaire, elle n’a que deux amis, Sadie qui vit dans un milieu plus huppé que le sien et Paul, un garçon assez quelconque dont elle est amoureuse depuis l’enfance. Quand celui-ci la supplie de l’aider à commettre un acte d’écoterrorisme, Amy bien que convaincue que le plan est merdique et vain, accepte par fidélité à son ami. Un terrible engrenage se met en branle compromettant peut-être son avenir… ?
Des romans américains de ce type, j’en ai lu des paquets, des pas terribles et d’excellents, alors là, si je vous dis que c’est un machin qui sort de l’ordinaire, un truc énorme et dérangeant, croyez-moi et courrez-y voir.
Un livre d’une noirceur peu banale et même malsaine. Tous les acteurs du roman, sans exception, trimballent des idées sur l’ordre du monde plutôt répugnantes et quand ce n’est pas le cas, ils se livrent à des actes plus que répréhensibles. La famille maternelle d’Amy par exemple, le grand-père est un ponte du Ku Klux Klan et l’oncle Thomas, ex-militaire ayant servi en Irak, a construit un bunker souterrain de survie pour les siens avec une bibliothèque d’écrits nazis ou assimilés, la mère d’Amy traine son ennui de bars en bras d’hommes divers et Amy elle-même - au caractère bien trempé - outre sa haine de la société locale va accomplir des actes que je ne peux vous dévoiler mais qui entachent salement son CV… Hastings, l’adjoint du shérif, est un intello aux idées plus que suspectes, n’hésitant pas à faire justice de ses propres mains… Etc.
L’écriture est détaillée mais ne s’attarde pas d’où un rythme bien soutenu. Un roman d’une noirceur terrible, très dur, pas tant par des violences physiques (ok, il y a une scène d’anthologie avec des chevaux) que par les idées/idéologies sous-tendant le récit, celle de l’extrême droite américaine, celle d’une partie de ceux qui prendront d’assaut le Capitole. Tout le texte est une plongée – en apnée pour moi – dans cette part de l’Amérique qui effraie. Le plus troublant reste encore l’épilogue, ambigu, une absolution pour le mal (euphémisme) causé… ?
Je sors de ce bouquin envahi par un gros malaise : je ne sais rien de John Woods malgré quelques recherches, je sais par contre qu’il ne faut pas prendre les fictions pour ce que pense un écrivain, donc j’attends avec impatience d’en apprendre un peu plus sur lui avec son prochain livre. En l’état, je maintiens que c’est un bouquin énorme mais à lire avec le recul qui s’impose.
« Il me surprend en pleine lecture. Son expression n’a rien de gentil. Dieu n’existe pas. Pas plus que les droits de l’homme. Tu n’as rien enfreint. Chaque fois qu’un organisme choisit de vivre, un autre est condamné à mort. La vie, c’est aussi simple que ça. Les forts le savent, au plus profond d’eux-mêmes. Mais nous devons renouer avec une époque bien antérieure aux prophètes juifs et aux croix chrétiennes, lorsque les idées d’égalité, de bien et de mal étaient considérées comme les idioties qu’elles n’ont jamais cessé d’être. »
John Woods Lady Chevy Albin Michel - 465 pages -
Traduit de l’américain par Diniz Galhos
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