26/01/2018
Mathias Enard : L’Alcool et la nostalgie
Mathias Enard, né en 1972 à Niort, est un écrivain et traducteur français. Après une formation à l'École du Louvre il suit des études d’arabe et de persan à l'INALCO puis fait de longs séjours au Moyen-Orient avant de s’installer en 2000 à Barcelone. Il y anime plusieurs revues culturelles et, en 2010, il enseigne l'arabe à l'université autonome de Barcelone. Un premier roman en 2003, le Goncourt en 2015 avec Boussole. L’Alcool et la nostalgie date de 2011.
Mathias, Jeanne, Vladimir, ils sont trois, ils se sont aimés encore étudiants, un peu « Jules et Jim ». Mathias rêvait déjà d’être écrivain, Vladimir l’encourageait, Jeanne au milieu accueillait favorablement leurs assauts timides. L’alcool et les drogues leur tournaient la tête. Jeanne est restée en Russie pour poursuivre ses études à Moscou, Mathias les a quittés pour retourner en France. Quelques années plus tard, Vladimir est mort, Mathias vient de l’apprendre d’un appel téléphonique de Jeanne dont il n’avait plus de nouvelles. Il part à Moscou immédiatement pour escorter le cercueil de son ami vers Novossibirsk en Sibérie, dans son village natal…
Un voyage de trois milles kilomètres en train, c’est long mais ça laisse le temps à Mathias de se remémorer leur histoire commune et leurs destinées auxquelles viendront se mêler des bribes de la grande Histoire, celle de la Russie, ainsi que de nombreuses références littéraires.
Les liens entre les trois personnages sont révélés par petites touches qui ne respectent pas la chronologie et nécessitent une lecture attentive. Le livre est extrêmement court pourtant on a l’impression d’y lire mille choses – sans pour autant être saoulé – tant il est bien écrit. Le lecteur va aussi découvrir que les rapports entre ces jeunes gens n’étaient pas aussi simples qu’ils le paraissaient au début, et la fin du roman, magnifique par sa touche dramatique, embellit encore plus cet ouvrage d’une grande beauté. Une femme pour deux hommes, équilibre précaire qui n’est pas sans risques… Eros et Thanatos, Love & Death.
Excellent !
« Quand je l’ai rencontrée à Paris nous avions dix-huit ans à peine, je débarquais de ma province et j’avais l’impression de sortir de prison, de rentrer du Goulag, de Magadan ou d’ailleurs et de retrouver une liberté qu’en réalité je n’avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangereux pour un adolescent que les armes, puisqu’ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d’un infini départ, d’amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour nous y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n’avions plus de révolution, il nous restait l’illusion du voyage, de l’écriture et de la drogue. »
Mathias Enard L’Alcool et la nostalgie Editions Inculte – 87 pages –
07:51 Publié dans Français | Tags : mathias enard | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |