03/08/2020
Yukio Mishima : Vie à vendre
Yukio Mishima de son vrai nom Kimitake Hiraoka est un écrivain japonais, né en 1925 qui s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970. Il publia près de quarante romans, aussi bien des romans populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des œuvres littéraires raffinées, mais aussi des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre. Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. Vie à vendre, un roman inédit de 1968, vient de paraître.
Hanio Yamada, vingt-sept ans, ayant raté son suicide décide de passer une annonce dans un journal de Tokyo, se proposant pour vendre sa vie ! Les acheteurs affluent : un vieillard qui veut faire tuer sa jeune épouse volage, une femme vampire qui cherche du sang neuf pour se refaire une santé, un diplomate mêlé à une affaire d’espionnage d’envergure, une jeune droguée au bord de la folie cherchant un alter ego pour un suicide…
Avertissement : Si vous connaissez Mishima pour ses œuvres classiques (Le Pavillon d’or, Neige de printemps…) vous allez tomber des nues à la lecture de ce roman hors-norme ; à l’inverse, si vous ne l’avez jamais lu et débutez par ce livre, vous n’aurez jamais idée du genre d’écrivain qu’est Mishima.
Ce roman doit être compris – à mon sens – comme une sorte de pochade, un pastiche de différents genres littéraires allant du polar au roman d’espionnage en passant par les récits fantastiques etc. En somme le grand écrivain s’amuse avec la littérature populaire et le lecteur en profite à fond. Car disons le clairement, tout cela est très amusant ! Les contrats s’enchaînent les uns aux autres sur une rythme allègre, les cadavres s’empilent mais paradoxalement, alors que c’était Hanio qui voulait mourir, ce sont les autres qui succombent, lui reste increvable.
Je reconnais qu’au début, dérouté par ce roman inattendu de Mishima, j’ai trouvé cela simplet ; mais emporté par le rythme, l’humour et l’écriture de l’auteur, j’ai succombé au charme souriant de cet ouvrage. Certes, Mishima s’amuse avec ce bouquin gentiment déjanté, mais il ne bâcle pas le style, pour le lecteur l’écriture paraît très simple, voire banale, mais elle est en vérité si « coulée » qu’elle prouve le travail caché de l’écrivain. De plus, derrière l’aspect rigolo de l’histoire, transparaît une réflexion sur la mort et donc la vie dont Hanio finira par prendre conscience quand après tous ses efforts pour mourir, il réalisera qu’il veut vivre et fuira Tokyo à la hâte…
Une bien bonne lecture.
« Il allait enfin mourir ce soir. Savoir qu’il n’y avait là aucune intervention de sa volonté le transportait de joie. Se suicider, quelle corvée, et puis cette fin dramatique n’était pas de son goût. Par ailleurs, pour accepter de se faire tuer, il fallait bien une raison quelconque : la rancœur, la haine… des sentiments qu’il ne se souvenait pas avoir éprouvés, et en outre, l’idée qu’autrui s’intéresse à lui avec passion, au point de vouloir l’assassiner, lui déplaisait au plus haut point. Vendre sa vie : ce procédé, qui le défaussait de toute responsabilité, était vraiment admirable. »
Yukio Mishima Vie à vendre Gallimard – 266 pages –
Traduit du japonais par Dominique Palmé
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