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11/06/2017

Est-il bon de connaître les écrivains ?

Quand je regarde à la télévision des reportages sur les lieux de vie d’écrivains, lesquels reçoivent chez eux un journaliste leur ouvrant une part de leur intimité, quand j’ai écho des forums de discussions entre ces mêmes ou de croisières littéraires entre ces compères etc. Une question me vient toujours à l’esprit, cette proximité amicale entre un auteur et un journaliste n’a-t-elle pas obligatoirement des retombées sur l’objectivité du chroniqueur quand il nous parle des livres de l’écrivain ?

Je ne parle pas de connivence complice – là le problème est réglé – mais de cette sympathie qui peut s’établir entre deux êtres et qui tempère nos critiques. Personnellement, je sais que je ne pourrais pas avoir ce type de relation et chroniquer honnêtement le bouquin d’un écrivain que je connaitrais un peu. Connaitre un peu, pouvant se limiter à une courte discussion avec lui lors d’un salon du livre ; dès qu’un échange verbal s’établit, immédiatement (du moins pour moi) empathie ou son contraire déclenche un rapport amical ou négatif, et dans les deux cas, mes critiques de livres en seraient altérées.

C’est pourquoi je ne cherche jamais à rencontrer les écrivains et ne fréquente aucun salon du livre. Je vois bien les nombreux avantages qu’on peut retirer de discussions avec un auteur, les sujets d’échanges ne manqueraient pas. Mais ça corromprait mes chroniques. D’ailleurs, posez-vous la question : cet écrivain croisé une ou plusieurs fois sur un salon du livre, avec lequel j’ai échangé quelques propos, est-ce que je n’ai pas le sentiment que désormais je le lis avec un œil plus favorable voire indulgent ?

J’en étais là de mes réflexions, les imaginant toute personnelles quand à quelques mois d’intervalle, deux écrivains célèbres ont apporté de l’eau à mon moulin. Tout d’abord, en lisant le texte de Somerset Maugham, « Le Grand écrivain », l’auteur anglais relate la manœuvre employée par un confrère : si une critique d’un de ses livres est mauvaise, il invite amicalement le journaliste à déjeuner pour qu’il lui explique son point de vue en détail, « En général, après une demi-douzaine d’huîtres et une tranche de selle d’agneau, le critique rend les armes et au roman suivant, comme de juste, il constate avec joie un sérieux progrès. »

Autre son de cloche tiré de l’entretien donné par Pascal Quignard au magazine Lire daté ce mois. A une époque, l’écrivain était lecteur chez Gallimard, « Claude Gallimard tenait absolument à ce que nous ne rencontrions jamais les écrivains que nous publiions – encore moins les journalistes-, afin de s’assurer que nous n’aurions pas de préventions dans nos jugements. Le comité de lecture était une sorte de sanctuaire qui interdisait totalement de croiser qui que ce soit. Le monde de l’édition a bien changé, puisque j’ai tendance à croire qu’on vous demande le contraire, aujourd’hui. »

Loin de moi l’idée de vouloir donner des leçons d’éthique ou de tenter de contribuer à alimenter les rumeurs de « copains et coquins », il s’agit juste d’un sujet de réflexion que je tenais à partager avec vous. Alors si vous avez un avis sur la question…