Simone Buchholz : Béton rouge

Simone Buchholz, née en 1972 en Allemagne, dans la région de Francfort, a d'abord été rédactrice pour des magazines dans lesquels elle traitait de l'amour, de la jeunesse et des affaires. Désormais, elle s'intéresse davantage au meurtre et au chaos. Si, autrefois, sa vie a été marquée par les excès, elle préfère aujourd'hui une existence paisible et laisse ses personnages s'enivrer des vices qu'elle a délaissés. Elle vit dans le quartier de St Pauli à Hambourg depuis le début des années 1990 et écrit en se servant de cette ville comme décor et matière de ses romans noirs. Roman de 2017, Béton rouge a été traduit chez nous en 2022.

Si les romans de Simone Buchholz sont des polars, les amateurs purs et durs du genre risquent d’être déçus. En effet, ici particulièrement, l’intrigue est assez quelconque et je suis même gentil en entretenant ce flou. Pourtant, il se dégage de cet ouvrage un charme certain.

Hambourg. Chastity Riley, procureure et héroïne de cette série de polars, commence mal sa journée en tombant par hasard sur une scène d’accident, une cycliste a été écrasée par une voiture, la police fait son constat. Elle, est appelée ailleurs, un homme nu et torturé est enfermé dans une cage, au pied d’un grand immeuble de presse. Cet homme, c’est Tobias Rösch, le DRH du groupe de presse. L’enquête débute à peine, que le lendemain, rebelote, nouvelle cage et cette fois, c’est Leonard Bohsen un autre cadre de l’entreprise, la victime ! Chastity Riley et Ivo Stepanovic, commissaire des Affaires Spéciales, sont chargés de l’affaire.

Le plaisir qu’on tirera de ces romans avec Chastity tient dans la cité hanséatique qui nous fournit les décors et la toile de fond, le port, les mouettes, le quartier rouge etc. et les ambiances. Ambiances liées aux décors, ruelles et bars, et personnages récurrents à la série.

Chastity est à elle seule tout un poème. Proche de la cinquantaine, elle boit et fume tant et plus, vit une histoire amoureuse distante et mal établie depuis dix ans avec Klatsche, patron du Blaue Nacht, son bar préféré. Femme désabusée face à la noirceur du monde où son métier la plonge « les enfants d’hier sont les salopards d’aujourd’hui, les enfants d’aujourd’hui les salopards de demain », solitaire, mal à l’aise avec le monde et véhiculant une image d’elle-même dévalorisante, « je suis toujours éloignée de tout », constate-t-elle avec amertume, et pour oublier, elle boit des bières plus souvent qu’à son tour. Même son amant ne peut rien pour elle, car elle préfère garder ses distances, effrayée par l’éventuel futur de leur relation, « J’ai le vertige face à tant de proximité bourgeoise ». Une personnalité borderline originale pour une héroïne de polar. Ses collègues de travail ne sont pas mal non plus, Calabretta et Carla qui se tournent autour, Faller un vieux flic bougon, désormais à la retraite…

Le bouquin est fait de chapitres ultra courts, dans un style quasi lapidaire, qui créent un rythme particulier et pas inintéressant pour ce polar qui n’en est pas vraiment un. Un bouquin attachant d’autant qu’à la fin son amant la quitte. Définitivement ? Pauvre Chastity…

 

« Je suis du genre à avoir la plupart du temps la sensation que quelque chose cloche. A être vite frigorifiée. A ne pas aller très bien, sauf au bord de la mer. A déverser de l’alcool sur mes problèmes et à me gaver de cigarettes. Je suis du genre qui ne voulait être chez soi nulle part, qui s’est pourtant enracinée et que ça déstabilise. Je suis d’ailleurs vite déstabilisée, même si ça ne se voit pas. Je suis du genre à avoir envie de dégueuler à la vue de toutes les injustices existant sur cette planète. »

 

 

Simone Buchholz   Béton rouge   L’Atalante  - 230 pages – 

Traduit de l’allemand par Claudine Layre