05/09/2019
Corinne Atlan : Petit éloge des brumes
Corinne Atlan, née en Algérie, est romancière, essayiste et traductrice. Diplômée de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, elle a vécu près de vingt ans en Asie (résidant actuellement à Kyôto), enseignant le français au Japon (Tôkyô, Nagano, Nagoya, Kyôto) et au Népal (Centre Culturel Français de Katmandou). Corinne Atlan a traduit à ce jour plus de 60 œuvres japonaises, principalement des romans (de Haruki Murakami, Ryû Murakami, Yasushi Inoue…) mais aussi de la poésie et du théâtre et publié plusieurs ouvrages personnels dont Un automne à Kyôto en 2018. Petit éloge des brumes, un texte inédit, vient de paraître.
Amateurs de littérature japonaise, voici un ouvrage qu’il ne faut pas rater. Certes la rentrée des éditeurs va alourdir vos listes de lectures mais ce bouquin est court et s’avère indispensable pour mieux appréhender l’univers si particulier de la culture du pays du Soleil levant.
Pour la forme, l’auteure marie avec bonheur le récit autobiographique à travers ses voyages et expériences personnelles, et l’essai, pour nous initier à la subtile nébulosité de la brume et du brouillard (sous toutes ses formes) qui sont à la culture/spiritualité du Japon, ce que le sfumato est à la peinture de Léonard de Vinci. Ce mariage est réussi car il nous permet d’ingurgiter des notions complexes et très cultivées enveloppées dans une prose soignée agrémentée d’exemples vécus par Corinne Atlan. Quand l’ardu est mis à notre portée le lecteur en retire un plaisir plus grand encore.
Vous trouverez donc dans ce livre les clés pour mieux comprendre ces sensations étranges qu’on ressent à la lecture des romans de Junichirô Tanizaki, Yasushi Inoue etc. ou quand on contemple peintures ou dessins d’Hokusai par exemple. La notion de « brume » ou de « brouillard » prend tout son sens quand on a conscience du cycle de la nature où l’eau peut prendre de multiples formes, mer, pluie, nuage, brume ou brouillard, neige, glace… toujours « l’eau continue à exister dans l’atmosphère, mais change simplement de forme : c’est là un point essentiel dans la conception bouddhique des choses. » Nature/Spiritualité/Art ce livre en prouve l’interpénétration.
Vous vous régalerez de certains passages particulièrement poétiques (les lumineuses explications sur cette passion japonaise pour les cerisiers en fleurs) et des références littéraires ou autres citées en exemples et vous retiendrez que « le Japon propose sans cesse une inversion des valeurs communément admises en Occident (et qui passent souvent, à tort, pour des valeurs universelles.) »
Un petit livre (en pages) au prix ridicule (en euros) mais énorme en enseignement et ça, ça n’a pas de prix !
« En japonais contemporain, l’expression « se nourrir de brume », qui est un peu l’équivalent de « vivre d’amour et d’eau fraiche », désigne des rêveurs dénués de tout sens de la réalité, ou encore des jeunes sans revenus se préoccupant peu du lendemain. C’est là une vieille tradition japonaise, qui dément la réputation de discipline sans faille si souvent attachée à ce pays. Les êtres errants et irrésolus, peu adaptés au monde dans lequel ils vivent, sont en fait légion dans la société actuelle. Ils traversent aussi toute l’histoire de la littérature japonaise. »
Corinne Atlan Petit éloge des brumes Folio – 103 pages –
07:25 Publié dans ESSAIS, RECITS | Tags : corinne atlan, junichirô tanizaki, yasushi inoue | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |