27/01/2017
Paul Morand : Bouddha vivant
Né à Paris en 1888, Paul Morand commence en 1913 une carrière de diplomate qui le conduira aux quatre coins du monde. Révoqué après la seconde guerre mondiale pour proximité avec le régime de Vichy, il est rétabli dans ses fonctions d'ambassadeur en 1953 et mis à la retraite des Affaires étrangères en 1955. Elu à l'Académie française en 1968 il décède à Paris en 1976. Considéré comme l’un des pères du « style moderne » en littérature, il s'est imposé comme l'un des grands écrivains français du siècle dernier.
Bouddha vivant, date de 1927 et s’inscrit dans un cycle de quatre volumes (Chronique du XXe siècle) consacré aux races et continents avec L’Europe galante (Europe), Magie noire (Afrique) et Champions du monde (Amérique).
Certains font un rapprochement entre ce livre et les Lettres Persanes de Montesquieu, ça me semble plus un étalage de culture qu’autre chose ; sauf à accepter qu’un étranger « exotique » plongé dans notre société suffise à satisfaire à cette comparaison.
Le prince Jâli, fils du roi de Karastra, royaume fictif devant beaucoup au Siam, s’enfuit de son pays pour découvrir le monde et l’Occident. C’est à Londres qu’il connait l’illumination bouddhique mais les Anglais ne comprenant pas son message philosophique, il part pour Paris, rencontre Rosemary une jeune et riche héritière américaine qu’il rejoindra bien plus tard à New York avant d’échouer à San Francisco d’où il embarquera pour retourner dans son pays et succéder à son père décédé.
Un roman finalement assez étonnant car il casse les règles narratives auxquelles nous sommes habitués – mais je ne pense pas que ce soit réellement volontaire de la part de l’écrivain, plutôt et pour une part, un manque d’envergure quand Morand s’attaque au roman, alors qu’il semble plus doué pour la nouvelle. Etonnant donc, car dans une longue première partie il n’est question que de Renaud d’Ecouen, un jeune Français amoureux de mécanique devenu chauffeur de la Bugatti du prince Jâli depuis deux ans. Et tout porterait à croire que c’est lui le héros du roman, mais non ! D’ailleurs, il mourra et basta, ciao ! Heu…. ? Quant à la liaison entre Rosemary et le prince, elle tournera en eau de boudin, sans larmes ni regrets.
Ceci dit, le roman n’est pas mauvais, outre l’écriture de Morand toujours agréable à lire, on y retrouve des idées chères à l’écrivain, le monde occidental est toujours pressé (« Pourquoi allons nous si vite, demandait-il, puisque nous ne nous rendons nulle part ? »), avide de posséder (« Une chose vaut, à nos yeux, lorsqu’elle appartient à autrui ») et le constat critique de notre société déjà très moderne (« le silence de la retraite est brisé par le téléphone et par la radio grâce à laquelle la publicité vient à domicile vous asséner ses coups de poing en pleine figure » Nous sommes en 1927… !)
Un monde complètement étranger à la quête spirituelle de Jâli (Bien plus tard ce sera la même problématique pour le mouvement hippie ; le monde est donc fait de cycles qui vont et reviennent) qui va se débarrasser de toutes ses richesses matérielles pour ne se consacrer qu’à la recherche de son moi profond et tenter d’atteindre le nirvana et l’extinction du désir. Il devra pour cela affronter le regard et les réflexions des autres, le racisme en Amérique qui le séparera de Rosemary, se faire humble auprès d’un horloger chinois dans le Chinatown de Frisco et in fine, boucler la boucle en revenant au pays endosser le costume du roi, ses richesses et son pouvoir total. A-t-il trahi son idéal, s’est-il renié ? Seul l’avenir le sait.
« Voilà pourquoi l’Orient n’est plus sage, - fit Renaud en riant. – C’en est fini de la patience asiatique. La vitesse dévorera toute la terre comme elle a dévoré l’Occident. Des chars aux berlines, des automobiles à l’avion, l’on dirait que, plus elle va, plus l’humanité cherche à s’alléger et à quitter le sol. (…) Les machines sont des esclaves nécessaires, mais qu’on aurait dû surveiller de très près ; le principe en est excellent puisqu’il s’agit, grâce à elles, de travailler moins ; mais on le fausse, car l’on s’en sert aussitôt pour produire davantage. »
Paul Morand Bouddha vivant Gallimard Pléiade – 126 pages –
Ce volume de la Pléiade consacré aux romans de l’écrivain, contient également et entre autres, les titres suivants : Lewis et Irène, L’Homme pressé et Les extravagants.
07:55 Publié dans ROMANS | Tags : paul morand | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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