Donal Ryan : Une Année dans la vie de Johnsey Cunliffe

Donal Ryan, né en 1976, est un écrivain Irlandais. Il est titulaire d'un diplôme en droit de l'université de Limerick et a travaillé pour l'Autorité irlandaise du droit du travail jusqu'en avril 2014, date à laquelle il est devenu écrivain à temps plein. Il est marié et vit dans le comté de Limerick, avec son épouse et ses deux enfants. Les deux premiers romans de Donal Ryan, Le Cœur qui tourne et Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe, ont été rejetés quarante-sept fois avant qu'un éditeur accepte de les publier (Ca laisse rêveur !!!), le deuxième a été publié en 2013.

Un petit village en Irlande. Depuis le décès de ses parents partis à quelques mois d’intervalle, Johnsey vit dans la ferme familiale, un garçon solitaire car grassouillet et simple d’esprit il est une victime idéale pour Eugene Penrose qui ne manque jamais une occasion de le brimer ou de le frapper quand il descend au village et ce depuis leur plus tendre enfance.

Une année ce sont douze mois comme autant de chapitres rythmant ce magnifique roman où l’on va suivre les tracas et mésaventures d’un gentil garçon, une sorte de Forrest Gun, gentil et loyal mais complètement désarmé face à la vie et aux autres.

Jusqu’alors le village le traitait relativement gentiment tout en se riant dans son dos de leur idiot local. Seuls ses voisins les Hunthank avaient d’aimables attentions pour lui, l’invitant à dîner ou lui préparant des plats à rapporter chez lui. Cet équilibre précaire vacille quand un consortium immobilier se propose d’acheter de grandes parcelles de terrain pour construire maisons et commerces qui assureront la prospérité de ce village qui somnole. Johnsey ne comprend pas très bien de quoi il en retourne mais pas question pour lui de vendre les terres familiales qui ont nourri plusieurs générations avant lui au prix de leur dur labeur. Dès lors il va devenir l’ennemi du village, l’empêcheur de tourner en rond, celui qui veut la mort de la communauté.

Un évènement marquant et sympathique pourrait changer le cours de sa vie, après avoir été gravement tabassé par Penrose, il finit à l’hôpital temporairement aveugle ce qui lui offre l’occasion de faire connaissance avec une infirmière à la voix charmante (« Jolie-Voix » la surnomme-t-il) lui ouvrant de tendres perspectives qu’il n’ose imaginer, bien qu’une fois rétabli et rentré chez lui, elle le relance. Le lecteur souffre pour lui, trop timide, trop innocent, il ne trouve pas le courage de pousser son avantage en dépit des conseils de Dave, un ami retrouvé comme voisin de lit à l’hosto. Une grande gueule, vantard et pas super fûté, mais un ami lui voulant du bien.

Le récit mêle les souvenirs heureux de Johnsey, quand ses parents étaient là pour s’occuper de lui, le protégeant dans le cocon familial, loin du monde tellement étrange et effrayant. La vie à la ferme, les travaux des champs et les saisons qui passent.

Avec du recul ou une autre paire de lunettes, ce roman rural peut aussi se lire comme une parabole : Johnsey tente, avec ses maigres moyens, de trouver un sens à sa vie dans un monde qui lui semble bien étrange mais où le lecteur reconnait les travers de la société moderne : fake news, appâts du gain, comment vivre sa différence etc.   

Le roman est magnifique, tout en émotions contenues mais aussi très drôle sans jamais que le lecteur en vienne à se moquer de ce naïf bienveillant et la fin ouverte mais inquiétante l’amène à en tirer la conclusion que le bonheur n’est pas dans le pré ?

 

« Petit, ton père se retournerait dans sa tombe s’il pensait que tu vas passer le restant de tes jours à te faire malmener. Pour lui tu étais la huitième merveille du monde, tu sais, et à force de s’élever en rempart entre toi et les autres, il a fait de toi un faible. Ce n’était pas te rendre service. La force qu’il avait en lui, il croyait qu’elle retomberait directement sur toi. Mais les choses peuvent tourner autrement, ça arrive. Pour certains, Dieu se montre généreux dans la distribution, et pour d’autres Il donne moins. Avec Lui on ne peut rien prévoir. »

    

 

 

Donal Ryan   Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe   Albin Michel  - 288 pages - 

Traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso