Jess Row : Un Monde nouveau

Jess Row, né en 1974 à Washington, est un écrivain américain. Il enseigne à l’université de New York et partage sa vie entre New York et le Vermont. Il a été publié dans divers magazines tels que The New Yorker, The Atlantic et Granta. Ses nouvelles ont été sélectionnées à plusieurs reprises dans l’anthologie The Best American Short Stories et récompensées par deux Pushcart Prizes et un PEN/O. Un Monde nouveau est son premier livre traduit en français.

En quelques mois à peine, je découvre une nouvelle catégorie de romans, les bons livres – objectivement parlant – chiants à lire ! Je sais très bien qu’en écrivant cela je vais passer pour un parfait benêt, mais il n’empêche que c’est mon avis et je dois l’assumer. 

Etats-Unis, des années 50 à nos jours. La famille Wilcox, issue de la bourgeoisie juive new-yorkaise, est aujourd’hui une famille éclatée. Sandy, le père, avocat dans un cabinet huppé, a des idées suicidaires depuis son divorce ; Naomi, son ex-femme, une géophysicienne climatologue renommée, vit désormais avec sa compagne Tilda. Ils ont eu trois enfants : Bering, militante pacifiste tuée en Cisjordanie par un soldat israélien (fardeau psychologique familial lourd à porter) ; Winter, elle, est avocate spécialiste du droit des étrangers et va épouser un immigré mexicain ; Patrick, après avoir été moine bouddhiste au Népal bosse maintenant dans l’informatique quantique à Berlin. 

En s’appuyant sur cette famille éparpillée peinant à maintenir des liens entre ses membres, l’écrivain croque un portrait du monde tout autant éclaté, un monde nouveau, notre monde (de New York à la Cisjordanie en passant par le Népal, Berlin ou Mexico), et une Amérique, celle de Donald Trump. Un tel programme ne pouvait donner qu’un livre dense, compact, dru, épais, fourni et autres synonymes, d’où ces six-cents pages !

Jess Row aborde ou traite presque tous les sujets qui font l’actualité des médias, le conflit au Moyen Orient, l’immigration, la race (le père de Naomi n’est pas celui que l’on croit (et Winter a du mal à l’accepter), la religion, l’homosexualité, l’inceste, la crise climatique (Naomi a écrit un bouquin polémique « Le réchauffement climatique anthropogénique n’est pas le résultat de l’ignorance, de la pensée à court terme, de l’égoïsme, du capitalisme, du manque de volonté, ou de l’inertie géopolitique : c’est un évènement naturel, un évènement prévisible, un acte de volonté humaine. ») etc.

J’en reviens à mon propos liminaire, le roman est très certainement bon puisque le(s) sujet(s) est intelligent, Jess Row a fourni un monstrueux travail, et le résultat comblera les lecteurs exigeants. Mais c’est trop pour moi, j’ai peiné à suivre tout ce petit monde dans leur présent et leurs souvenirs, leurs pensées tues, leurs vies bien compliquées. D’où mon ennui.

 

« Elle croyait à la santé. Elle voulait toujours arrêter de fumer. Mais peu importe l’idéologie des années 1930, a-t-il envie de dire, agacé par sa propre rêverie ; ce qui compte, ce sont les années 2030, quand mes enfants seront grands. A quoi ressemblera leur vie ? Certaines probabilités se vérifieront. Les guerres pour les ressources, la sécheresse. La majorité de la population américaine sera latino. New York et non plus Tegucigalpa, sera la plus grande ville hondurienne. Mais la question n’est pas là. La question, c’est : quel point de vue adopter ? Où est la lutte ? La lutte pour la vie, une vie qui ait du sens. »

 

 

Jess Row   Un Monde nouveau   Albin Michel  - 593 pages – (A paraître le 20 août)  

Traduit de l’américain par Stéphane Roques