15/02/2017
Emmanuel Bove : Le Crime d’une nuit
Emmanuel Bove (1898-1945) est un écrivain français, connu également sous les pseudonymes de Pierre Dugast et Jean Vallois. De son vrai nom Emmanuel Bobovnikoff, il naît d'un père russe et d'une mère luxembourgeoise. En 1915, il est envoyé en pension en Angleterre, où il achève sa scolarité. Revenu à Paris l’année suivante, il vit dans une situation précaire. En 1921, il épouse Suzanne Vallois et s'installe dans la banlieue de Vienne en Autriche, où il se lance dans l'écriture en publiant de nombreux romans populaires sous le pseudonyme de Jean Vallois. En 1922, il revient à Paris et fait ses débuts dans le journalisme, ainsi que dans la traduction. Colette remarque une de ses nouvelles et lui propose de le publier. Il lui apporte alors Mes amis, dont la publication en 1924 est un succès. Il continue à publier régulièrement jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Mobilisé comme travailleur en 1940, il souhaite rejoindre Londres et refuse toute publication durant l'Occupation. En 1942, il parvient à rejoindre Alger, où il écrit ses trois derniers romans : Le Piège, Départ dans la nuit et Non-lieu. Alors qu'Emmanuel Bove était considéré avant-guerre comme l'un des principaux écrivains français, son œuvre, rapidement tombée dans l'oubli à la Libération, est longtemps restée indisponible avant d'être rééditée à partir des années 1970.
Le court ouvrage qui vient de paraître aux bons soins de L’Atelier de l’agneau, reprend deux textes de l’écrivain : Le Crime d’une nuit (1922) et Bécon-les-Bruyères (1927), d’une quarantaine de pages chacun.
Le premier est un texte étrange, onirique ou Kafkaïen, qui intrigue le lecteur du début à la fin. Le soir de Noël, Henri Duchemin, célibataire de quarante ans vivant dans la misère totale, trouve refuge dans un bar minable où un inconnu lui propose une sorte de pacte faustien, la richesse en échange du meurtre d’un banquier. Il commence par refuser puis se laisse entrainer sans bien comprendre se qui se passe (comme le lecteur) et finalement « Il leva le marteau le plus haut qu’il put. Il ferma les yeux. Quand il les rouvrit, il vit du sang sur les draps et le marteau dans l’édredon. » L’histoire est fantastique, on voit bien que rien n’est clair, que c’est peu crédible, même Duchemin s’interroge sur la réalité de ce qui lui arrive. Est-ce vrai, est-ce le rêve d’un malheureux au bout du rouleau… ? Ambiance glauque en noir et blanc, bars sordides, inconnus louches, voilà pour le décor.
Le second texte est sans rapport aucun, ni dans la forme, ni sur le fond. Il s’agit en fait (du moins, vu de ma fenêtre) d’une cocasse étude de la ville de Bécon-les-Bruyères ou d’un exercice d’écriture consistant à tartiner sur un sujet qui n’en est pas un. Pour ceux qui ne la connaitraient pas, c’est en réalité le nom d’un lieu-dit situé dans le département des Hauts-de-Seine (92) regroupant des quartiers de trois communes en banlieue de Paris, le quartier de Bécon (commune de Courbevoie) et le quartier des Bruyères (communes d’Asnières-sur-Seine et de Bois-Colombes).
Permettez-moi d’écrire que j’ai préféré ce texte, pour une raison simple, tout comme Emmanuel Bove j’ai résidé dans le coin à une époque ! J’ai donc retrouvé des détails des lieux encore communs à nos deux périodes : Courbevoie, Asnières, « on passe d’une commune à l’autre sans s’en rendre compte », la gare de Bécon-les-Bruyères trônant au centre, « un tunnel fétide, au lieu de la passerelle désirée par tous les habitants, relie les deux communes » (Or, tenez-vous bien, cette passerelle a finalement été construite l’année dernière !). Quant à la prophétie « Un jour peut-être, Bécon-les-Bruyères, qui comme une île ne peut grandir, comme une île disparaitra. La gare s’appellera Courbevoie-Asnières » elle pourrait se réaliser puisqu’aujourd’hui on tend vers le regroupement des communes…
Je me doute bien que ce mince ouvrage ne va pas envoyer les foules se précipiter chez leur libraire pour le lire, je le chronique juste pour information. Il n’est pas interdit pour autant de lire Emmanuel Bove, dans ce cas essayez : Mes Amis, Le Pressentiment ou Armand …
« Il se trouva bientôt dans une rue populeuse où, malgré l’heure, on réveillonnait. Il ne s’en étonna pas. La foule, les boutiques éclairées, les volailles roses donnaient un air de fête. Des reflets tremblaient sur les cuivres, au point que ceux-ci semblaient liquides. L’odeur des mandarines était dans l’air. Partout on riait, on s’amusait. Le pavé était sec. Le long des trottoirs, des flaques gelées, criblées de bulles captives, brillaient aux lumières dorées. « Je veux être heureux », murmurait Henri Duchemin en fixant son regard sur les passantes. L’une d’elles le prit par le bras. – Je t’aime, dit-elle. »
Emmanuel Bove Le Crime d’une nuit suivi de Bécon-les-Bruyères Atelier de l’agneau - 84 pages –
07:59 Publié dans NOUVELLES, RECITS | Tags : emmanuel bove | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |
Commentaires
Ma bibliothèque pourrait sauver la mise!
Au cours d'une lecture j'ai découvert récemment qu'on pensait déjà dans les années 60 à un autre opéra à Paris
Écrit par : keisha | 15/02/2017
Finalement c’est presque raisonnable pour un chantier de cette ampleur en plein Paris, l’idée germe en 1960, la décision de construction est prise en 1982 par François Mitterrand et l’inauguration de l’opéra Bastille a lieu en 1989… non ?
Écrit par : Le Bouquineur | 15/02/2017
Surtout qu'on y pensait sur les Champs élysées...
Écrit par : keisha | 16/02/2017
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