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09/10/2012

Emmanuel Bove : Mes amis

Mes amis 51+zu9E12-L._SL500_AA300_.jpgEmmanuel Bove (1898-1945) est entré en littérature en 1924 avec ce premier roman Mes amis alors qu’il n’avait que vingt-cinq ans. Comme souvent pour leur premier jet, les écrivains mettent une bonne part d’eux même et de leur vie dans cette tentative. Emmanuel Bove fils d’un émigrant russe et d’une femme de chambre luxembourgeoise a connu la misère, pratiqué divers métiers et le journalisme. C’est ce dernier job qui le fait remarquer par Colette laquelle le pousse à faire publier ce premier roman. D’autres livres suivront et le succès avec. Après sa mort en 1945 il tombera dans l’oubli et ce n’est que depuis les années soixante-dix qu’on commence à le redécouvrir.

Le personnage principal de Mes amis est Victor Bâton, célibataire et solitaire, invalide de guerre il subsiste grâce à une petite pension et habite une chambre minable à Paris. Un looser total comme on dirait grossièrement de nos jours, passant tout son temps libre – et il n’en manque pas – à chercher et quémander une amitié. Car Victor peut tout supporter, sa vie banale et sans perspective, sauf cette solitude qui le ronge et l’obsède. On a mal à suivre Victor dans sa quête car s’il semble bien gentil, il n’est pas bien beau, pas très causant, sans le sou ou presque, bref on devine qu’il aura peu de chances de parvenir à ses fins. Sa souffrance nous gagne et l’écriture légère, en quelques mots ou phrases, nous le montre comme si nous étions au cinéma, dans sa petite vie assez déprimante. Nous le suivons le long des trottoirs, dans les petits cafés et restaurants du Paris des années trente, rien ne nous est épargné de sa vie intime, sa toilette dans une cuvette, ses dents non pas cariées mais qui se cassent, ses cheveux gras et son manteau usagé. Nous sommes aussi dans sa tête, l’écoutant réfléchir, s’imaginant les réactions des autres, paralysé parfois par ses inhibitions ou sa timidité.

Comme sur un chemin de croix, Emmanuel Bove le fera tomber cinq fois ; il y aura Lucie Dunois, Henri Billard, Neveu, Monsieur Lacaze et enfin Blanche. Une tenancière de bouis-bouis qui le jette après une nuit, un type qui ne lui rendra pas l’argent prêté, un marinier suicidaire qu’il sauve de la mort mais ne lui en sera pas reconnaissant, un industriel qui lui offre un travail mais Victor en louchant naïvement sur sa fille perd ce qu’il avait gagné et enfin une artiste de variétés avec laquelle il amorce une idylle d’un soir mais « je regrettais mon lit ». Finalement, chassé de son logement par son propriétaire il s’éloigne, poursuivant son errance, indéfiniment ? « Ah ! la solitude qu’elle belle et triste chose ! Qu’elle est belle quand nous la choisissons ! Qu’elle est triste quand elle nous est imposée depuis des années ! ».

 

« Quand je m’éveille, ma bouche est ouverte. Mes dents sont grasses : les brosser le soir serait mieux, mais je n’en ai pas le courage. Des larmes ont séché aux coins de mes paupières. Mes épaules ne me font plus mal. Des cheveux raides couvrent mon front. De mes doigts écartés je les rejette en arrière. C’est inutile : comme les pages d’un livre neuf, ils se dressent et retombent sur mes yeux. » 

 

emmanuel-bove-amis-L-2.jpegEmmanuel Bove  Mes amis  Editions Nota Bene

     

 

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