28/02/2020
Joris-Karl Huysmans : Un dilemme
Joris-Karl Huysmans de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, est un écrivain et critique d'art français (1848-1907). Huysmans était le descendant par son père, d'une lignée d'artistes peintres hollandais. Certains tableaux du plus célèbre de ses ancêtres, Cornelius Huysmans, peintre à Anvers au XVIIe siècle, figurent aujourd’hui au Louvre et c’est pour mieux évoquer ses origines hollandaises, que Huysmans adopta le prénom de Joris-Karl. A partir de 1876, Huysmans collabore en tant que chroniqueur d’art, à différents journaux pour lesquels il rédige des comptes rendus des Salons de peinture et il prend la tête du combat visant à imposer l’Impressionnisme au public. Un dilemme, est une nouvelle parue en 1884.
Suite au décès brutal de Jules, fils de M. Lambois, bourgeois retraité de ses activités commerciales et résidant dans une petite ville de la Marne, celui-ci charge Maître Le Ponsart, par ailleurs grand-père du défunt, de régler une affaire pour lui à Paris : informer une certaine Sophie, enceinte des œuvres du fils, qu’elle n’aurait droit à aucune compensation financière, ou trois fois rien, n’ayant été qu’une concubine ou au mieux une bonne…
A lire cette dramatique nouvelle de Huysmans aujourd’hui, époque où la place et les droits des femmes avancent à grands pas, on en ressort avec un goût amer en bouche.
Du jour au lendemain, Sophie, va se retrouver expulsée du modeste logement où elle vivait avec Jules, enceinte et sans un sou, anéantie par la logique de l’homme de loi, aucun lien légal ne la reliait à Jules et même le fils ne l’avait jamais présentée à son père comme son amie, au mieux elle n’est donc qu’une domestique et comme telle, elle peut faire ses paquets et disparaître. D’où ce cruel dilemme proposé à Sophie, vous êtes l’une ou l’autre, choisissez !
Joris-Karl Huysmans s’attache à démontrer l’ « inaltérable saleté de la classe bourgeoise », d’après une lettre écrite à Zola. Lambois et Le Ponsart, forts de leur supériorité sociale et intellectuelle, n’ont aucune peine à se débarrasser de Sophie, une malheureuse jeune fille, sans défense aucune, assommée par la douleur d’avoir perdu son amant, la stupéfaction soudaine d’être expulsée, les mains vides et le ventre plein. Un mépris souverain.
Mais l’ignominie atteindra son comble quand plusieurs semaines plus tard, dans leur province pépère, les deux notables apprendront par un courrier que Sophie est décédée après une fausse couche. Sans aucun remords ou début de regrets, Le Ponsart aura ce mot terrible, « - Enfin (…), cette mort clôt le débat. ».
Un texte court mais très dur.
« Elle demeura abasourdie par ce coup droit. – Alors comme ça, fit-elle, en suffoquant, vous me chassez sans argent, avec un enfant que je vais avoir. – Du tout, mademoiselle, du tout ; vous déplacez la question ; je ne vous chasse point, en tant que maîtresse : je vous donne vos huit jours, en tant que bonne, ce qui n’est pas la même chose. Voyons, écoutez-moi moi bien ; vous avez été présentée en qualité de servante par Jules, à son père. Tout le temps que M. Lambois est resté ici, vous avez joué ce rôle. M. Lambois ignore donc ou est du moins censé ignorer les relations que vous entreteniez avec son fils. Etant actuellement souffrant, retenu chez lui par une attaque de goutte, il m’a chargé de venir à Paris, en son lieu et place, afin de régler les affaires laissées pendantes de la succession, et, nécessairement, il a résolu de se priver des services d’une bonne puisque la seule personne qui pouvait les utiliser n’est plus. »
Joris-Karl Huysmans Un dilemme Gallimard La Pléiade – 47 pages –
Et ICI c’est cadeau……
07:00 Publié dans NOUVELLES | Tags : huysmans | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Les commentaires sont fermés.