30/05/2024
J.M. Machado de Assis : L’Aliéniste
Joaquim Maria Machado de Assis (1839-1908) est un écrivain et journaliste brésilien, considéré par beaucoup de critiques, d’universitaires, de gens de lettres et de lecteurs comme l’une des grandes figures, sinon la plus grande, de la littérature brésilienne. Né à Rio, d’un père noir descendant d’esclave et d’une mère portugaise, il a exercé une multitude de métiers, dont typographe à l’imprimerie nationale. En 1897, il crée l’Académie brésilienne des Lettres. Auteur prolifique, au regard cynique et ironique, il est le maître pour déjouer les apparences des faits et débusquer la folie. L’Aliéniste, est une nouvelle datant de 1882.
Itaguaï, une petite ville brésilienne à la fin du XIXème siècle. Simon Bacamarte, psychiatre diplômé, « le plus grand parmi les médecins du Brésil, du Portugal et des Espagne » crée un asile d’aliénés, la Maison Verte, pour parfaire ses connaissances sur cette pathologie et accessoirement la soigner. Il y fait enfermer les fous de la ville mais bien vite la cadence augmente et presque la totalité de ses habitants s’y retrouve parquée !
Au début du récit les habitants s’émerveillent devant cette avancée de la science, puis s’inquiètent devant la masse des internés, le conseil municipal est en ébullition, il y a des pour et des contre, l’apothicaire y trouve son compte financièrement parlant tandis que le barbier va mener une révolution populaire, ce qui nous vaut des retournements de veste et d’opinion quand le pouvoir tombe, avant qu’une contre-révolution n’engendre les mêmes réactions.
Un texte délirant, ironique et très amusant donc, permettant à l’écrivain de dénoncer les dogmatismes scientifiques et politiques. En chamboulant les fondements de la folie on en vient à s’interroger, qui sont vraiment les fous, les internés ou le psychiatre ? Ou encore, serions-nous tous, plus ou moins, fous ? Les politiques ne sont pas épargnés non plus par l’ironie grinçante de Machado de Assis, qui condamnent en se retranchant derrière l’avis scientifique (« Si les gouvernements sont impuissants à éliminer la folie, sont-ils au moins habilités à la discriminer et à l’identifier ? »), engendrant la peur et la délation dans la population.
Pas mal du tout et finalement toujours moderne.
« L’abnégation de l’illustre médecin lui valut un nouveau lustre. Inventions, suspicions, suppositions, toutes les rumeurs sombrèrent. N’avait-il pas, sans la moindre hésitation, hospitalisé sa propre femme, qu’il aimait plus que tout au monde ? Personne désormais n’avait le droit de s’opposer à lui – et moins encore de le soupçonner de visées étrangères à la science. C’était un homme d’une austère et grande noblesse, un Hyppocrate doublé d’un Caton. »
J.M. Machado de Assis L’Aliéniste Métailié - 97 pages -
Traduit du brésilien par Maryvonne Lapouge-Pettorelli
06:00 Publié dans Etrangers, NOUVELLES, XIXe siècle | Tags : j.m. machado de assis | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
J'ai beaucoup apprécié ce court roman, plein d'ironie, qui dénonce les limites / abus de la psychiatrie.
Écrit par : je lis je blogue | 02/06/2024
Répondre à ce commentaireOui, c'est un bon bouquin, amusant à l'extérieur, très sérieux à l'intérieur...
Écrit par : Le Bouquineur | 03/06/2024
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