23/08/2013
David Bellos : Le Poisson et le bananier
David Bellos est professeur de littérature française et comparée à Princeton University (USA), où il dirige le programme de traduction et communication interculturelle. Il est titulaire d'un doctorat de l'université d'Oxford et a enseigné à Oxford, Édimbourg, Southampton et Manchester. Auteur de nombreux livres et articles sur l'œuvre de Balzac, ainsi que de deux biographies, de Georges Perec (1994) et de Jacques Tati (2002). David Bellos est aussi traducteur. Parmi ses travaux, les versions anglaises de La Vie mode d'emploi de Georges Perec, L'Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah, et plusieurs romans d'Ismail Kadare. Son essai, Le Poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la traduction, est paru en 2012.
Très intéressé par la problématique de la traduction littéraire, quand une aimable bloggeuse m’a signalé cet ouvrage, je n’ai pas manqué de l’inscrire sur ma liste des livres à lire. Et c’est vrai que le bouquin est passionnant.
David Bellos envisage la traduction dans différents domaines d’activité, non seulement littéraire mais aussi dans le cinéma (doublage et sous-titres), dans le milieu juridique et législatif, ainsi que le rôle des interprètes dans les réunions internationales comme à l’ONU par exemple. Chaque activité impose ses propres contraintes et les conséquences en seront diverses comme on l’imagine. La mise par écrit de textes juridiques internationaux en plusieurs langues ou dans un genre plus ludique, la traduction d’une BD avec l’entrave physique de la bulle qui interdit de dépasser la place allouée au texte, sont des exemples extrêmes des problèmes rencontrés par les traducteurs.
Globalement le bouquin est passionnant à plus d’un titre. L’auteur signale des idées fausses « les Esquimaux ont une centaine de mots pour dire « neige » [une idée] réfutée depuis bien des années », des contre-vérités « l’anglais serait plus simple que les autres langues » ou bien soulève des paradoxes réjouissants « Il existe actuellement environ sept mille langues parlées à travers le monde (…) pour communiquer avec la plupart des habitants de la Terre, il vous suffirait d’en connaitre neuf ». Il défend même une théorie iconoclaste ( ?) « … la parole n’est pas apparue pour permettre de communiquer avec des membres d’autres groupes de congénères (…) ou pour favoriser la communication entre membres d’un même groupe » Ca c’est ce que l’école nous apprend, « selon toute vraisemblance, l’utilité première de la parole humaine fut d’affirmer la différence, non l’identité. » Et bing sur la tour de Babel !
Le texte est écrit « simplement », sans excès de mots complexe et sur le ton du roman, avec un léger humour même ; nous sommes loin d’un essai universitaire pompeux et froid, alignant des phrases incompréhensibles pour le non-spécialiste.
Il y a néanmoins des aspects négatifs au bouquin qu’il faut prendre en compte, car il n’est pas donné (absent à ma bibliothèque municipale, j’ai attendu d’en trouver un exemplaire d’occasion consulté au préalable avant de l’acheter). On ne peut échapper à quelques passages abscons ou sibyllins et ça tire en longueur souvent, j’ai même trouvé des pages carrément chiantes à lire, il faut quand même le dire ! La construction peut aussi agacer, David Bellos avance des faits qui confortent les idées reçues du lecteur lambda avant de les réfuter plus tard, cet effet de « dévoilement différé » ridiculise un peu le lecteur… Autre critique, David Bellos ne donne jamais son avis sur ce qui ressemble à des critiques ou à tout le moins, des paradoxes qui mériteraient d’évoluer.
Donc vous l’aurez compris, un bouquin qui ne s’adresse pas à tout le monde obligatoirement. J’ai essayé d’en donner le pour et le contre afin que chacun puisse juger par lui-même mais je le crois assez riche pour que tous y butinent ici ou là, matière à intérêt.
« Dans la pratique, nous consultons la page de titre, la quatrième de couverture, celle du copyright, ou encore les références à la fin d’un article pour déterminer si ce que nous lisons est ou non une traduction. Mais en l’absence de telles indications, les lecteurs sont-ils effectivement capables de distinguer, d’après le goût que laisse un texte sur leurs papilles linguistiques et littéraires, si celui-ci est « original » ou « traduit » ? Pas du tout. D’innombrables auteurs ont pu faire passer des originaux pour des traductions, ou des traductions pour des originaux, sans que personne s’en aperçoive – pendant des semaines, des mois, des années, voire des siècles. »
David Bellos Le Poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la traduction Flammarion
Traduit par Daniel Loayza avec la collaboration de l’auteur
11:39 Publié dans ESSAIS, Les traductions | Tags : david bellos | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |