18/05/2016
André Maurois : Les Silences du colonel Bramble
André Maurois (pseudonyme d’Emile Salomon Wilhelm Herzog), né en 1885 à Elbeuf et mort en 1967 à Neuilly-sur-Seine, est un romancier, biographe (Shelley, Byron, Victor Hugo, George Sand, Balzac…), conteur et essayiste français. Issu d'une famille de drapiers juifs alsaciens ayant quitté l’Alsace en 1870 pour ne pas devenir Allemands, Maurois a pour professeur au lycée de Rouen le philosophe Alain, à qui il sera redevable de son orientation esthétique. Il préfère en effet une carrière littéraire à la direction de l’usine familiale par laquelle il passera néanmoins durant une dizaine d’années. Interprète militaire et officier de liaison auprès du BEF (Corps expéditionnaire britannique) en France et en Flandres pendant la Première Guerre mondiale, Maurois écrit en 1918 Les Silences du colonel Bramble, son premier ouvrage, qui connaîtra un vif succès, tant en France que dans les pays anglo-saxons. Elu à l’Académie française en 1938, il s’exile aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, admirant Winston Churchill et se méfiant de Pétain.
Les Silences du colonel Bramble vient d’être réédité, précédé d’un court essai inédit, En retrouvant le général Bramble.
S’inspirant de sa propre expérience militaire durant la Première Guerre mondiale, André Maurois met en scène cinq acteurs : le colonel Bramble, un Ecossais amateur de musique et ne se séparant jamais de son gramophone ; le major Parker, un Anglais ; le docteur O’Grady, Irlandais, socialiste à l’esprit cartésien et pragmatique ; le révérend McIvor, Ecossais, surnommé le Padre et enfin, Aurelle (un alias de l’auteur), un Français qui écrit des vers durant ses temps libres, agent de liaison entre la France et la Grande-Bretagne.
Tandis que les combats font rage et que les armées progressent dans le Nord de la France, le soir au mess, nos cinq hommes faisant abstraction de la situation dans la mesure du possible, devisent de choses et d’autres. Discussions entre gentlemen autour d’une bouteille, où l’on respecte les convenances, sur un ton amical et le plus souvent humoristique qui nous ferait oublier que tout proche le canon tonne et que des hommes sont morts dans la journée. Les sujets d’échanges sont nombreux, la guerre bien sûr, les modes de gouvernance, l’Histoire, la philosophie mais plus légers parfois, comme la polygamie ou les absurdités de l’administration militaire.
On sourit souvent devant ce fameux humour anglais comme : « Les autorités discutaient sur l’origine de ces mines, que le N.T.O. disait amies, alors que le M.L.O. les croyait ennemies. Mais un point de détail n’était pas controversé : tout navire qui avait rencontré l’une d’elles s’était ouvert en deux morceaux qui n’avaient pas flotté longtemps. » Ou bien encore : « J’avais un ami, le major Featherstonehaugh, qui vers l’âge de quarante ans commença à avoir des éblouissements : il alla voir un médecin qui accusa le whisky et lui conseilla d’essayer pendant quelque temps de boire du lait… Well, dix jours après il était mort. » Vous ne manquerez pas de noter non plus, le passage relatant drôlement une chasse au lion qui rappelle furieusement la bande dessinée Tintin au Congo, quand le journaliste au toupet s’essaie au tir sur une antilope… Hergé avait donc lu Maurois.
Un bouquin délicieux devant tout à son ton léger apparent et ironique mais qui ne manque pas d’ambitions néanmoins, rapprocher les peuples Anglais et Français, passer outre leurs différences et ne s’accorder que sur ce qui les unit sans tomber dans la complaisance nunuche, « Quant à croire que les démocraties seront pacifiques, c’est une naïveté. »
« - Il y avait une fois, dit le docteur, deux officiers qui, le même jour, perdirent chacun un objet appartenant au gouvernement de Sa Majesté. Le premier égara un seau à charbon, le second un camion automobile. Or vous savez, Aurelle, que, dans notre armée, un officier est responsable sur ses propres deniers de la valeur des objets qu’il perd par négligence. Les deux officiers reçurent donc deux notes du War-Office avisant l’un qu’il aurait à payer la somme de trois shillings, l’autre qu’il lui serait retenu mille livres sur son traitement. Le premier voulut se défendre : il n’avait jamais eu de seau à charbon et prétendit le démontrer. Il compromit son avancement et dut à la fin payer les trois bobs. Le second, qui connaissait les voies du Seigneur, écrivit simplement au bas du papier : « Noté et retourné ». Et il renvoya le papier au War-Office. Là, suivant une vieille et sage règle, un scribe perdit le dossier et le bon officier n’entendit plus jamais parler de cette bagatelle. »
André Maurois Les Silences du colonel Bramble Les Cahiers Rouges Grasset - 175 pages –
Nota : Les Silences du colonel Bramble contient la traduction par André Maurois du célèbre poème de Rudyard Kipling « If », sous le titre « Tu seras un homme, mon fils ».
Cadeau offert par la maison, si vous ne pouvez pas vous procurer l’ouvrage ou si vous voulez vous familiariser avec avant d’investir, en voici le texte intégral ICI
07:47 Publié dans Français | Tags : andré maurois | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |