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23/02/2013

Donald Ray Pollock : Knockemstiff

Pollock Livre.jpgDonald Ray Pollock, né en 1954 à Knockemstiff (Ohio) est un écrivain américain. Après avoir travaillé dans une usine de pâte à papier pendant 32 ans en tant qu'ouvrier et conducteur de camions, à 50 ans, il s'inscrit à des cours d'écriture créative à l'Université d'État de l'Ohio.

 Après avoir lu Le Diable, tout le temps j’ai poursuivi ma découverte de l’univers de l’écrivain avec ce Knockemstiff, son premier ouvrage, paru chez nous en 2010 et qui vient tout juste de ressortir chez Libretto.

Recueil de dix-huit nouvelles, qui toutes ont pour cadre Knockemstiff, un bled de l’Ohio. Vu qu’il s’agit de la ville natale de l’auteur, on peut être quasi certain que les lieux tels qu’ils sont peints correspondent à la réalité ou s’en approchent fortement et que les personnages au cœur de ces textes, ressemblent à des gens que Pollock a connus. Et tout cela n’est pas bien beau, c’est le moins que l’on puisse en dire. Le bled ressemble au trou-du-cul du monde, dans tous les sens où cette comparaison puisse être prise et ses habitants, les héros des nouvelles de Pollock, une brochette de demeurés salement amochés par la vie.

Jeune déserteur qui viole une petite fille, mère d’un gamin qui fantasme sur les serial-killers et demande à son fils d’en jouer le rôle, la nièce qui aide sa tante à draguer des minables dans des lieux sordides, des culturistes dopés à mort. Certains personnages reviennent d’une nouvelle à une autre, comme Geraldine qui se balade avec des bâtonnets de poisson pané dans son sac ou bien Jimmy qui se came avec un antiseptique ; des lieux emblématiques de Knockemstiff nous deviennent familiers, l’épicerie de Maud Speakman ou le Hap’s Bar.

Souvent, pour ne pas dire toujours, les fils ont des relations conflictuelles avec leurs pères, « « T’en as fait une mauviette », qu’il a dit à ma mère une fois rentré chez nous » ou bien « Avec mon père, tout avait toujours été une affaire de combat ». Et quand le père se fait un devoir d’éduquer le fiston, c’est pour lui enseigner la violence, « Mon père m’a montré comment faire mal à quelqu’un », crédo déjà repéré dans Le Diable tout le temps. Les maris tabassent leur femme et les gosses trinquent pendant que les parents picolent.

Les plus ambitieux, une minorité, voudraient quitter la ville pour recommencer leur vie à zéro ailleurs mais à peine partis, ils y reviennent dare-dare, condamnés comme Sisyphe à remonter (ou descendre, ici) la pente pour l’éternité, « Juste encore une fois, juste une fois avant de partir pour de bon ».

Drogues, alcool, sexe sordide, misère, ennui… l’Amérique profonde fait peur - une face de l’Amérique épouvantable et effrayante où bêtise et violence règnent en maître - et Donald Ray Pollock nous en met plein la tronche avec son écriture coup de poing que le format court de la nouvelle exacerbe, les phrases claquent comme des gifles au visage du lecteur installé confortablement dans son fauteuil douillet.

A ceux qui se risqueront dans ce marigot, faites une pause entre chaque nouvelle et ouvrez souvent la fenêtre pour aérer, le bouquin pue la mauvaise haleine, le cul sale, la pisse et le tabac froid. Et pourtant, vous tenez-là un putain de sacré bouquin. « Sous le jupon de la pauvre Hélène, sous son jupon mité, moi j’ai trouvé des jambes de reine » chantait Brassens…

 

« Pendant une seconde, le soulagement m’a paru meilleur que toutes les drogues, mais tout de suite après j’ai entendu des pneus crisser sur le gravier derrière moi. En me retournant, j’ai vu une voiture de police qui approchait lentement. J’étais piégé, en train de montrer mon cul à deux officiers de police. Et pas moyen de m’arrêter – ça sortait de moi comme de la pâte à crêpes. Je leur ai fait un petit signe de la main, les maudissant tout bas. Quand les deux flics sont descendus de leur voiture de patrouille j’ai essayé de me redresser, mais une autre crise m’a forcé à me remettre à croupetons. Je voyais des éclaboussures de chiasse partout sur mon jean, dehors comme dedans. »

 

 

Pollock.jpgDonald Ray Pollock  Knockemstiff  Libretto – Traduit par Philippe Garnier