23/03/2017
Stefan Zweig : Angoisses
Stefan Zweig, né en 1881 à Vienne, en Autriche-Hongrie, et mort par suicide le 22 février 1942 à Petrópolis au Brésil, est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Stefan Zweig fit partie de la fine fleur de l'intelligentsia juive viennoise, avant de quitter son pays natal en 1934 en raison de la montée du nazisme. Réfugié à Londres, il y poursuit une œuvre de biographe (Joseph Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart) et surtout d'auteur de romans et nouvelles. Angoisses, une nouvelle, date de 1913.
Irène, la trentaine, mariée avec un grand avocat viennois qui lui a donné deux enfants, a un amant. Amant pris, pour ainsi dire à l’insu de son plein gré, « cet adultère non désiré ne fut apaisé qu’en partie par la flatteuse vanité d’avoir pour la première fois, et par une décision qu’elle croyait autonome, dit non au monde bourgeois dans lequel elle vivait. » Un jour, tandis qu’elle s’esbigne de l’immeuble où elle faute, elle croise une femme qui l’injurie, lui reprochant de lui avoir volé son ami. Cette même femme va retrouver Irène et la faire chanter, lui réclamant chaque fois une somme d’argent plus importante…
J’ai été très étonné par ce texte de Zweig car comme le montre ce résumé nous sommes presque dans un polar, plus exactement dans un film genre Alfred Hitchcock. Toute la nouvelle consiste à faire monter l’angoisse chez Irène et indirectement chez le lecteur qui se demande comment tout cela va finir, car seules deux hypothèses semblent possibles : le crime et l’élimination de la maîtresse-chanteuse mais nous sommes chez Zweig, que diable ! ou bien, plus probable, le suicide d’une Irène désespérée. Sauf que l’écrivain nous a concocté un dénouement plus surprenant.
Le texte est très bien écrit, ce qui ne surprendra personne, on y retrouve ce rythme de la phrase bien balancée qui fait le charme de Zweig. La construction de la nouvelle s’appuie sur la montée en puissance de la tension, de l’angoisse qui paralyse Irène, une torture psychologique, modifiant ses attitudes dans sa vie quotidienne ce qui éveille questions et étonnement de son entourage comme des domestiques et par un effet de feed-back un accroissement des peurs chez Irène, peur de se trahir, peur de devoir avouer qu’elle est victime d’un chantage et donc d’une faute. Une très belle scène – un enfant suite à une grosse bêtise est grondé par le père – fait écho à celle d’Irène qui l’encaisse avec souffrance (un peu comme la scène de la Pomponette dans la Femme du boulanger…).
Une très bonne lecture, comme toujours avec Stefan Zweig, non ?
« Elle avait fait la connaissance de ce jeune homme – pianiste connu, bien que dans un cercle encore étroit – à l’occasion d’une soirée, et bientôt, sans vraiment le vouloir et quasi sans comprendre pourquoi, elle était devenue sa maîtresse. Rien dans son sang n’avait convoité celui de cet homme, rien de sensuel ne l’avait attachée à son corps, et presque rien d’intellectuel : elle s’était donnée à lui sans avoir besoin de lui ni même le désirer fortement, mais par une certaine indolence à résister à la volonté qu’il manifestait et par une sorte de curiosité inquiète. »
Stefan Zweig Angoisses La Pléiade Romans, Nouvelles et Récits Tome 1 – 57 pages -
Traduction par Bernard Lortholary
07:34 Publié dans NOUVELLES | Tags : stefan zweig | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |