07/02/2022
Walter Tevis : L’Homme tombé du ciel
Walter Tevis (1928-1984) est un écrivain américain de science-fiction et de roman noir. Il n’a écrit qu’une petite poignée de romans mais plusieurs ont été adaptés au cinéma comme L’Arnaqueur par Robert Rossen (1961) avec Paul Newman, La Couleur de l’argent par Martin Scorsese (1986) avec Paul Newman et Tom Cruise ou bien ce roman qui vient d’être réédité, L’Homme tombé du ciel (1963) adapté en 1976 sous le titre L’homme qui venait d’ailleurs par Nicolas Roeg avec David Bowie.
Oui, il s’agit d’un roman de S.F. puisqu’un extraterrestre en est le principal personnage, mais si ce genre ne vous intéresse pas a priori, lisez la suite de ce billet car en fait il s’agit surtout d’un roman psychologique.
Kentucky dans les années 80. Un extraterrestre débarque sur notre Terre. Sous une apparence humaine Thomas Jerome Newton est en mission, s’enrichir fabuleusement en moins de cinq ans en profitant de ses connaissances avancées pour déposer de multiples brevets et utiliser cet argent pour faire construire une navette spatiale.
Certes ce Newton est un peu bizarre, « Grand, maigre, d’immenses yeux d’oiseaux », une constitution affaiblie par la gravité, ce qui l’oblige à vivre en solitaire. Très vite il devient riche et légendaire, menant pas à pas son projet initial. Seuls deux personnes trouveront grâce à ses yeux, Betty Jo, une femme éprouvée par la vie, une solitude elle aussi, réfugiée dans l’alcool, dont il fait sa gouvernante ; et plus tard quand le chantier de construction du vaisseau se constitue, Nathan Bryce, un ingénieur chimiste entièrement voué à son travail mais qui commence à s’interroger sur la personnalité réelle de son patron, cet étrange Newton…
Donc ici pas de monstres ou de mutants, pas de robots fous ou d’actions incompréhensibles se déroulant dans des mondes futurs. Juste trois acteurs, Newton, Betty Jo et Bryce, tous trois liés par ce qui va lentement devenir une amitié complexe, basée au début sur la mystérieuse personnalité du nabab. Cet Alien qui peu à peu devient à l’insu de son plein gré un humain car s’il avait une bonne connaissance de nos mœurs grâce à la longue préparation de son voyage faite de l’étude approfondie de nos programmes télé captés sur sa planète, côtoyer de vrais humains lui ouvre de nouvelles perspectives voire des travers qu’il ne soupçonnait pas (il va se mettre à picoler sec comme Betty Jo)…
Le but initial je l’ai dit était de construire une navette pour que les quelques rescapés de sa planète dévastée par les guerre, viennent sur Terre profiter des ressources de notre monde ; un but corrélé par un autre le précédant, occuper les postes stratégiques sur Terre pour empêcher la guerre nucléaire qui se profile à l’horizon, la paix universelle assurant le confort de vie qu’ils désirent pour sauver leur race.
Et là nous touchons l’un des thèmes du roman, « l’humanité n’a-t-elle pas le droit de choisir la forme de sa propre destruction ? » Sujet d’une discussion qu’auront Newton et Bryce quand plus tard dans le roman, le premier aura abattu cartes sur table et se dévoilera au second. Voilà ce que ce roman qualifié de S.F. contient. Les rapports psychologiques se nouant entre les acteurs, l’affection voire une sorte d’amour entre Newton et Betty Jo, l’amitié certaine entre eux tous et le lecteur qui lui aussi se prend d’affection pour ce malheureux Newton qui finira mêlé contre sa volonté à la lutte de pouvoir entre Républicains et Démocrates car en toile de fond, les problématiques du monde d’alors ne sont pas esquivées.
Un excellent roman qu’il serait très dommage de ne pas lire.
« Pour vous dire la vérité, cela nous désole beaucoup de voir ce que vous êtes en train de faire d’une planète si belle et si fertile. Nous avons détruit la nôtre il y a longtemps, mais nous avions tellement moins de richesses que vous. (…) Est-ce que vous vous rendez compte que vous n’allez pas seulement détruire votre civilisation, telle qu’elle est, et tuer la majorité de votre peuple, mais que vous allez aussi empoisonner les poissons de vos rivières, les écureuils dans vos arbres, les oiseaux, les sols, l’eau ? Il y a des moments où vous nous apparaissez comme des singes en liberté dans un musée, en train de taillader les tableaux et de casser les statues avec des marteaux. »
Walter Tevis L’Homme tombé du ciel Gallmeister Totem - 274 pages -
Traduit de l’américain par Nicole Tisserand
07:00 Publié dans SF | Tags : walter tevis | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |