08/10/2013
Agatha Christie : Hercule Poirot quitte la scène
Agatha Christie, née Agatha Mary Clarissa Miller (1890 - 1976), puis, après son second mariage, Agatha Mallowan et, à partir de son anoblissement en 1971, Dame Agatha Christie, est une femme de lettres britannique, auteur de nombreux romans policiers. Son nom est associé à celui de deux héros récurrents : Hercule Poirot, détective professionnel, et Miss Marple, détective amateur. On la surnomme la « Reine du crime » car elle est l'une des plus importants et des plus novateurs des écrivains du genre. Elle a aussi écrit plusieurs romans, dont quelques histoires sentimentales, sous le pseudonyme de Mary Westmacott. Elle a publié 66 romans, 154 nouvelles et 20 pièces de théâtre traduits dans le monde entier.
Si Hercule Poirot me restait proche par le cinéma (Peter Ustinov et Albert Finnley) ou la télévision surtout avec l’extraordinaire composition de David Suchet, il y a bien longtemps que je n’avais ouvert un roman du fameux détective. Jusqu’à cet entrefilet récent, lu dans Le Monde, annonçant que les ayants droit de la romancière avaient donné leur accord à Sophie Hannah pour qu’elle ressuscite le belge rondouillard. Parenthèse, je déteste ces combines du milieu de l’édition déjà utilisées pour d’autres d’ailleurs (Sherlock Holmes, Arsène Lupin etc.) et qui vont, ici, contre la volonté de l’écrivain lui-même. Je me suis donc replongé dans l’œuvre et tant qu’à faire dans l’ultime enquête, Hercule Poirot quitte la scène (Curtain : Poirot’s Last Case).
Un roman particulièrement émouvant à plus d’un titre. Dès l’entame quand son fidèle ami Hastings retrouve Poirot perdu de vue depuis quelque temps, et qu’il le découvre « Perclus d’arthrite, il se déplaçait en fauteuil roulant. Ses formes, jadis un tantinet rondouillardes, avaient fondu et sa carcasse s’était comme affaissée. C’était un petit maigre, à présent, au visage ridé. » Physiquement, le détective est au bout du rouleau, son cœur donne lui aussi des signes de faiblesse, mais il rassure aussitôt son « bon ami » et le lecteur, « Mon cerveau fonctionne encore avec une prodigieuse acuité », et ses fameuses petites cellules grises toujours en bon état de marche lui permettront une fois de plus de dénouer l’intrigue. Par contre il ne pourra rien faire contre la volonté d’Agatha Christie qui le fait mourir à la fin de l’ouvrage « pour que nul écrivain ne soit tenté de reprendre son personnage et de lui faire vivre d’autres aventures ». Ce en quoi elle se trompait apparemment.
Ce dernier opus permet à Agatha Christie d’aborder le problème de la vieillesse et du temps qui passe. Son héros récurrent qui arrive au terme de sa vie, le décor du roman qui se passe à Styles Court, la propriété où tout avait commencé, Hastings qui retrouve Poirot bien vieilli on l’a dit, mais aussi sa fille Judith devenue une jeune femme très indépendante ce qui heurtera son père. La boucle se boucle et quand Poirot quitte la scène définitivement, c’est avec nostalgie que le lecteur referme le roman.
Si ce dernier volet des travaux d’enquêtes d’Hercule est paru en 1975 - la santé d’Agatha Christie ne lui permettant plus d’écrire elle en accepte la publication avancée prévue à l’origine après son décès - le bouquin a en fait été rédigé durant la Guerre au début des années 1940. Pour les puristes, techniquement parlant, le dernier roman écrit avec HP en vedette, est Une mémoire d’éléphant, datant de 1972.
Certains commencent à s’interroger, mais quand va-t-il aborder le contenu du roman ? Je ne vous en dirai quasiment rien, si ce n’est que l’intrigue est retorse, que philosophie et morale y jouent un rôle important, que la construction du roman est surprenante puisque l’enquête proprement dite n’est pas réellement le sujet le plus important du livre et que Poirot ne livrera ses conclusions qu’à travers un document posthume adressé à son ami le capitaine Hastings.
Fausse critique de roman, ce billet est en fait un moyen de rendre hommage à une grande dame du roman policier et à l’un de mes héros préférés (avec Sherlock Holmes) Hercule Poirot, dont le New York Times du 6 août 1975 fit paraître une nécrologie en première page, quand paru le roman.
« - Pourquoi avez-vous l’esprit aussi tortueux, Poirot ? Vous n’aimez rien tant que compliquer les choses. Vous l’avez toujours fait ! – Et maintenant, c’est devenu une manie, c’est ce que vous pensez ? Peut-être bien. Mais soyez tranquille, mes indications vous mèneront à la vérité. Peut-être alors, reprit-il après un instant de silence, oui, peut-être alors souhaiterez-vous qu’elles ne vous aient pas conduit si loin. Et qui sait si, au lieu de vous réjouir, vous n’irez pas jusqu’à vous écrier : « Baissez le rideau ! ». Quelque chose, dans son intonation, réveilla en moi cette vague terreur informulée que j’avais déjà ressentie quelque fois. Comme si quelque part, tout juste cachée à ma vue, se trouvait une vérité que je ne voulais pas voir, que je ne pouvais pas supporter de reconnaître. Une vérité que, au plus profond de moi-même, je connaissais déjà… »
Agatha Christie Hercule Poirot quitte la scène Editions du Masque – Les Intégrales – Agatha Christie Tome XIII
Traduit de l’anglais par Janine Lévy
08:00 Publié dans POLARS | Tags : agatha christie | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |