30/05/2019
Stephen King : Dolores Claiborne
Stephen King, né en 1947 à Portland (Maine), publie son premier roman en 1974 et devient rapidement célèbre pour ses ouvrages d’horreur mais il écrit également des livres relevant d'autres genres comme le fantastique, la fantasy, la science-fiction et le roman policier. Son œuvre compte plus de soixante romans, dont plusieurs sous le pseudonyme de Richard Bachman, et plus de deux cents nouvelles. Dolores Claiborne a été publié en 1992 puis, adapté au cinéma sous le même titre par Taylor Hackford en 1995, avec Kathy Bates dans le rôle principal.
A Little Tall, une petite île du Maine où tout le monde se connait. Dolores Claiborne est dans le bureau du shérif, face à elle, Andy et Franck les policiers et Nancy la sténographe. Les policiers la suspectent du meurtre de Vera Donovan, sa riche employeuse. D’emblée, Dolores Claiborne avoue le meurtre de son mari il y a trente ans, comme la rumeur locale le murmurait, mais nie farouchement toute implication dans la mort de sa patronne.
Le roman n’est qu’un long monologue, d’un seul bloc, sans aucun chapitre, durant lequel Dolores va vider son sac, une confession éperdue sur trois cents pages revisitant sa vie sur plus de trente ans. Une vie de douleurs et de souffrances, un combat.
Dolores battue par son mari trouvera le courage de se révolter mais quand celui-ci s’en prend sexuellement à leur fille et vide les comptes d’épargne de leurs trois enfants, réservés à leurs futures études à l’université, pour les dépenser en jeux et alcool, c’en est trop. Et comme si sa vie familiale n’était pas déjà un enfer, son job de femme de chambre pour Vera Donovan n’est pas une sinécure. Tyrannique, ayant l’œil à tout, Vera mène son personnel et Dolores à la baguette, les années passent mais Dolores tient le coup. Vera devient impotente, obèse en fauteuil roulant perdant un peu la tête. Les rapports entre les deux femmes évoluent, de maîtresse/esclave on passe à adversaires costaudes se respectant puis à une sorte d’amitié non dite.
Dolores avoue tout dans les moindres détails, le meurtre laborieux et épouvantable de son mari, les caprices fécaux et obscènes de Vera devenue vieille, les souffrances perpétuelles endurées toute sa vie. Ses rapports avec ses enfants, en particulier avec sa fille qui devine que sa mère a tué son père. Quant à Vera, la méchante vieille garce, on en apprend sur son passé et ses propres tourments.
Stephen King nous offre le portrait psychologique de deux femmes très fortes, pour ainsi dire seules contre tous et prêtes à tout pour s’en sortir face à l’adversité, « dans un monde où un homme peut passer des mois à essayer d’emmener sa propre fille au lit, je crois que tout est possible. » Le féminisme et les violences subies par les femmes dans le cadre familial sont le fil rouge sous-tendu par ce roman. La forme du monologue adopté par l’écrivain accélère la lecture, et l’écriture au plus proche du langage parlé, parfois vulgaire dans les tournures de phrases, rend plus crédible encore le récit.
Comme tout le monde j’avais lu beaucoup de romans de l’écrivain, ses grands succès tournant autour de l’horreur et du fantastique. Ce livre sort de ce genre – même si King place ici ou là quelques astuces bien dans son style pour nous angoisser – et s’avère finalement et peut-être ( ?) l’un de ses meilleurs livres.
« Des fois, elle arrivait à dire : « Les moutons Dolores ! Oh, mon dieu, les moutons ! » D’autres fois, elle arrivait seulement à pleurer et à sangloter. Elle se mettait les mains sur les yeux pendant une seconde ou deux et puis elle les retirait. C’était comme si elle supportait pas de regarder, mais supportait pas non plus de ne pas regarder. Et elle recommençait à se griffer la figure. Je lui coupais les ongles aussi courts que possible, mais elle arrivait quand même au sang, la plupart du temps, et je me demandais chaque fois comment le vieux cœur de cette grosse femme pouvait supporter une telle terreur. »
Stephen King Dolores Claiborne Albin Michel – 324 pages –
Traduit de l’américain par Dominique Dill
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