01/11/2018
Virginia Woolf : La Chambre de Jacob
Virginia Woolf, pseudonyme d’Adeline Virginia Alexandra Stephen (1882-1941), est une femme de lettres anglaise, l'une des principales auteures modernistes du XXe siècle. Bisexuelle et féministe, elle fut une figure marquante de la société littéraire londonienne et un membre central du Bloomsbury Group, qui réunissait des écrivains, artistes et philosophes anglais, groupe au sein duquel elle rencontrera Vita Sackville-West avec qui elle aura une liaison durant toutes les années 1920. Woolf souffrait d'importants troubles mentaux et présentait tous les signes de ce qu'on nomme aujourd'hui, troubles bipolaires. En 1941, à l'âge de 59 ans, elle se suicida par noyade dans l'Ouse, dans le village de Rodmell (Sussex), où elle vivait avec son mari Leonard Woolf, écrivain lui aussi. Elle avait commencé l'écriture comme activité professionnelle en 1905 pour le supplément littéraire du Times et un premier roman en 1915. La Chambre de Jacob date de 1922.
J’aime Virginia Woolf même si je ne suis pas certain de très bien la comprendre et ce roman est très symbolique de ce sentiment.
Le héros du livre c’est Jacob Flanders, élevé avec ses deux frères par une mère veuve. Nous allons le suivre tout au long de sa courte vie dans la bonne société, ses études (Cambridge), son émancipation avec son appartement à Londres, son intérêt pour la littérature, quelques maîtresses (Florinda…), ses relations dans le beau monde et son voyage solitaire autant que succinctement évoqué, à travers l’Europe passant par Paris, l’Italie et la Grèce avant de s’achever à Constantinople.
Pas grand-chose en vérité, d’un strict point de vue narratif. Sauf que c’est madame Virginia Woolf qui tient la plume – ce qui d’un côté corse l’affaire et d’un autre en fait tout le sel. L’écrivain n’est pas facile à lire, il ne faut pas le cacher à un nouveau lecteur, et ce bouquin encore plus qu’un autre. La lecture ne coule pas de source, il faut être très attentif, lire entre les lignes, deviner les éléments qui manquent, déduire ce qu’il advient de non-dits. Chaque nouveau personnage est une énigme à percer, les femmes semblent très friandes de Jacob, certaines deviendront ses maîtresses d’autres c’est moins sûr ; il n’y a pas que les femmes qui soient attirées par Jacob, son ami homosexuel Bonamy – « il avait plus d’affection pour Jacob que pour quiconque au monde » - en pince secrètement aussi pour lui.
Quand le roman s’achève abruptement par un dernier chapitre d’une seule page, sa mère et son ami Bonamy inventoriant sa chambre, on devine que Jacob est mort plus que le récit ne le dit, possiblement à la guerre. Et se pose la question, cet homme qui était-il vraiment ? Certes l’auteur nous a donné beaucoup de détails épars mais qu’en retenons-nous exactement ? C’est peut-être là, le thème du livre : on ne connait jamais réellement les gens, comme pourrait l’indiquer différentes remarques distillées au fil de cette lecture : « Il semble que d’avoir de nos semblables une opinion pénétrante, impartiale et totalement juste soit complètement impossible » ou encore « Il ne sert à rien d’essayer d’évaluer les gens. Il faut se fier aux signes, non pas précisément aux paroles, ni tout à fait aux actes. »
Lire Virginia Woolf m’ensorcèle littéralement : je tombe sous le charme de son style – assez spécial néanmoins - en quelques pages à peine et même si je ne saisis pas tout ce que je lis ( ?), je suis incapable de m’en détacher. Vous l’aurez compris, de la belle littérature mais peut-être pas pour tout le monde…
« J’aime les livres dont toute la valeur tient dans deux ou trois pages. J’aime les phrases qui ne bougent pas même si des armées les traversent. J’aime que les mots soient durs – telle était la position de Bonamy, et elle lui valait l’hostilité de ceux dont le goût est tout entier pour les pousses nouvelles du matin, qui ouvrent grand la fenêtre, et trouvent les coquelicots éparpillés au soleil, et ne peuvent retenir un cri de jubilation devant la fécondité extraordinaire de la littérature anglaise. Ce n’était pas tout la façon de voir de Bonamy. Le fait que son goût en littérature affectait ses amitiés, et le rendait taciturne, secret, pointilleux, et seulement tout à fait à l’aise dans la seule compagnie d’un ou deux jeunes hommes qui pensaient comme lui, voilà les seules charges retenues contre lui. »
Virginia Woolf La Chambre de Jacob Gallimard La Pléiade Œuvres romanesques Tome 1 – 175 pages –
Traduction par Adolphe Haberer
07:43 Publié dans Etrangers | Tags : virginia woolf | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |