Henry Wise : Nulle part où revenir

Henry Wise, né en Virginie aux Etats-Unis, est poète, photographe et essayiste. Il est diplômé de l'Institut militaire de Virginie et titulaire d'un MFA de l'Université du Mississippi. Nulle part où revenir, son premier roman, vient de paraître.

Dawn, une petite ville de Virginie du Sud. Will Seems revient dans sa ville natale après dix ans passés à Richmond, comme shérif-adjoint. Peu de temps après, Tom Janders, un ami d’enfance, est retrouvé assassiné dans sa maison en feu. C’est Will qui a sorti le corps de la maison et il a aperçu Zeke Hathom s’enfuir. Zeke est un vieil homme noir, estimé de tous, mais de terribles indices l’accusent, empreintes digitales sur l’arme du crime etc. Le shérif Mills, certain de sa culpabilité malgré les arguments contraires développés par Will, arrête le suspect. Envers et contre sa hiérarchie, Will va mener sa propre enquête, aidé, bien malgré lui, par Bennico Watts, détective aux méthodes peu orthodoxes, engagée par la communauté noire…

Un bon roman, qui vaut surtout pour son écriture et le possible potentiel de l’écrivain. Je ne vais donc pas m’emballer plus que cela car tout ne m’a pas semblé parfait, particulièrement l’excès de tout.

Le scénario est trop riche, trop de personnages tous liés les uns aux autres, familiaux, amoureux, amicaux ou pas ; le passé qui pèse sur les épaules de beaucoup d’entre eux et interagit sur leur présent. Et l’intrigue elle-même, dépasse un peu (beaucoup ?) les bornes du crédible parfois. On trouve souvent de l’excès dans un premier roman, comme si l’écrivain y lâchait tout ce qu’il a sur le cœur ou dans l’esprit depuis longtemps, je n’en tiendrais pas rigueur à Wise pour cette fois. Tout dépendra de ce qu’il fera de son prochain roman.

Venons-en aux thèmes du livre, puissants et riches. Une plongée dans l'Amérique rurale et ses démons (plantations délabrées, drogue, pauvreté). Ici, un paysage désolé, entre marais et anciennes plantations de tabac, où le progrès semble avoir oublié les habitants. Le Sud de la Virginie est dépeint comme un lieu hanté par le souvenir de l'esclavage et de la ségrégation. Les crimes et les injustices du passé continuent d'influencer le présent, créant un cycle de violence et de ressentiment, où la justice du présent ne peut racheter les crimes du passé.

Le retour de Will Seems est au cœur de l'intrigue, cherchant à se réconcilier avec son passé il se retrouve étranger à son présent et confronté à un lieu qu'il ne reconnaît plus. « C’était comme s’il avait passé toute sa vie à chercher quelqu’un pour finalement se retrouver au point de départ, sauf que le point de départ avait changé, et pas lui. Il n’y avait nulle part où revenir. » Le roman est une quête désespérée de vérité dans un endroit où les vieilles blessures n'ont jamais guéri.

Henry Wise, un écrivain prometteur ?

 

 

« Ca commença par des coups de poing et de crosse, et il comprit alors une chose bien trop tard, qu’il pouvait être exempt de peur, et que l’absence de celle-ci en lui l’avait précisément instillée chez les hommes qui l’entouraient. Ils avaient peur. Ils avaient peur parce que lui, non. Il avait franchi une frontière. Pourtant il y avait largement de quoi avoir peur, mais il n’en éprouvait pas. Seulement du regret. Le regret qu’elle ait jamais existé. Que ça en soit arrivé là. C’était lui, le danger. Oui. La menace, à la fois faible et terrible. »

 

Henry Wise    Nulle part où revenir   Sonatine  - 425 pages -  

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony