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23/01/2023

Jean-Yves Tadié : Proust, le dossier

Jean-Yves Tadié, Marcel Proust, Jean-Yves Tadié, né en 1936 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain et biographe français, professeur émérite à l'université Paris-Sorbonne. Biographe et spécialiste de Marcel Proust, il a dirigé, en 1987, la nouvelle édition d’A la recherche du temps perdu dans la Bibliothèque de la Pléiade, couronnée en 1988 par le prix de l'Académie française.

Proust, le dossier est LE livre à lire absolument quand on s’intéresse à l’œuvre de Marcel Proust, rédigé par l’un pour ne pas dire LE spécialiste de l’écrivain. Un classique, ici dans sa dernière version revue et mise à jour, parue il y quelques mois à peine.

Comme l’annonce le sous-titre, « la synthèse de ce que l’on peut connaître et dire de l’œuvre et de la vie de Marcel Proust ». Les quatre parties de l’ouvrage en donne une bonne idée : Une présentation générale, l’analyse de tous les écrits ou presque de Proust, une revue détaillée de la critique et une biographie synthétique.

Un conseil, ne pas lire ce livre avant d’avoir déjà lu l’écrivain car ça risque de vous effrayer plus que de vous informer au vu de l’ampleur des analyses ! Par contre, ne craignez rien de Proust. On peut être impressionné quand on ne l’a jamais lu parce qu’on a tant écrit et dit sur son chef-d’œuvre La Recherche du temps perdu qu’on s’attend à un bouquin quasi inabordable pour le commun des lecteurs ; or, c’est une erreur absolue. Abandonnez vos préjugés et allez-y !

Je ne suis qu’un lecteur très ordinaire, mais dès les premières pages de la Recherche on pressent le génie de l’écrivain et certes, ce n’est pas une seule lecture qui suffira à en appréhender toutes les facettes, d’où l’intérêt de cet ouvrage. Tadié nous explique tout, ce qui est entrevu, ce qui est caché, ce qui est tu mais dit beaucoup, les points de jonction entre tel chapitre et tel autre parfois/souvent dans des volumes différents, les multiples facettes des personnages etc. etc.

L’analyse protéiforme s’attache à tous les aspects du génial machin et on en reste sur le cul tant il y a savoir et voir ! Je ne vais pas tout détaillé mais par exemple, on dit que l’écrivain fait de longues phrases mais ça ne représente qu’à peine un tiers de l’ouvrage. La Recherche n’est pas UN roman mais un ensemble de plusieurs romans de tous les genres littéraires (Roman comique, tragique, d’aventures, érotique, poétique, onirique) et Tadié le démontre en insistant sur la révolution qu’il a fait subir au genre romanesque. Des statistiques donnent d’après le nombre d’occurrences, les personnages les plus cités (Albertine arrive en tête avec 2360 citations).

Le texte est décortiqué et démonté comme jamais, personnages, lieux, époques, temporalité sont disséqués et expliqués. Alors oui, c’est affolant car le modeste lecteur s’aperçoit qu’il n’a quasiment rien vu dans sa lecture, d’où la nécessité de s’y remettre mais cette fois avec le bouquin de Tadié ouvert à ses côtés pour une lecture parallèle. Si La Recherche a été le roman d’une vie pour Proust, tous ses autres écrits n’en étant que des brouillons d’approche, c’est une lecture d’une vie pour nous autres, chacune nous étonnant ou nous surprenant.

Vous l’avez compris, le bouquin est pointu tant il est fouillé. J’ai appris beaucoup, je n’ai pas tout saisi non plus (je l’avoue) mais je me suis aussi bien amusé quand Tadié cite les analyses de certains psychanalystes (je n’ai rien contre cette discipline, n’y connaissant rien mais souvent elle me fait rire) comme « Le fantasme de l’église chez Proust renvoie par l’intérieur, au ventre maternel, par le clocher au membre viril qu’à l’âge adolescent on a choyé en soi » ou quand d’autres, analysant la nourriture dans l’œuvre (!!!) écrivent « Faut-il invoquer le phallisme des asperges et l’oralité/analité des crèmes ? »

Une lecture – peut-être même – la seule réellement indispensable pour tenter de comprendre l’œuvre de Proust.

 

« « Quand vous lirez ces lignes, ne doutez pas que je serai plongé dans Une Fille du Régent. » Il ajoute, quelques jours plus tard : « Je viens de passer la nuit à lire la Fille du Régent. Dans la Fille du Régent, il y a deux romans. » Proust montre alors que ces deux romans ont exactement la même structure qu’Harmenthal : « Conclusion en contradiction avec ce qu’on dit généralement mais très vraie : Dumas écrivait bien, mais manquait d’imagination. » »

 

 

Jean-Yves Tadié, Marcel Proust, Jean-Yves Tadié   Proust, le dossier   Pocket – 527 pages -