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25/10/2021

Eddy L. Harris : Mississipi Solo

Eddy L. Harris, Mark Twain   Eddy L. Harris, né en 1956, est un essayiste et documentariste américain. Mississipi Solo, son premier ouvrage paru il y a trente ans aux Etats-Unis n’a été traduit qu’en 2020 chez nous complété d’une postface pour cette occasion.

Cet ouvrage, un récit, relate son voyage en canoë sur le Mississipi, un périple de près de 3700 kilomètres du lac Itasca au Nord du Minnesota à la Nouvelle Orleans en Louisiane. Ainsi résumé, ça ressemble à du déjà vu, pourtant il se dégage de ce texte un petit « plus » quelque chose de difficile à préciser, mais qui en fait un ouvrage qui vaut largement qu’on s’y intéresse.

Concernant l’expédition en elle-même, on peut dire qu’Harris est gonflé, le type n’a quasiment aucune expérience du canoë, quelques coups de pagaies sans plus, ni même de pratique du camping ! Et là, il s’attelle à une vraie expédition, contre l’avis de tous ses proches et amis. Et qui plus est, il s’y embarque en octobre, à l’orée de l’hiver ! Pas très argenté, il se fait prêter le matériel, canoë compris, donc il a intérêt à le ramener en bon état. Autre danger potentiel, Eddy Harris est noir, descendre ce fleuve l’amène droit dans les Etats du Sud où sa couleur de peau n’est pas obligatoirement bien vue…

L’équipée je vous la laisse découvrir, il y a le convenu (moustiques, bestioles qui rôdent autour de la tente la nuit etc.), les écueils du fleuve (les écluses qu’il faut savoir passer, les barges monstrueuses qui créent des remous puissants etc.), les rencontres sympathiques (pêcheurs, marins, spectateurs sur le bord du fleuve, qui l’encouragent, le saluent ou l’aide carrément). Mais il y a des moments plus dangereux (des chiens sauvages qui entourent sa tente, trois connards survivalistes armés et une fusillade…).

Le récit est particulièrement agréable à lire, tout d’abord parce qu’il est bien écrit avec un cachet très particulier et que l’auteur a un ton et une approche de la vie pragmatique et optimiste, pleine de bon sens, il prend ses responsabilités et les assume. Plusieurs fois il pense abandonner, à chaque fois il continue. Oui, il a dû affronter quelques dangers, oui il a souffert durant cette épreuve autant physique que morale, mais il ne s’étend pas, au point que parfois le lecteur se dit que ce n’est pas si terrible que ça.

Eddy Harris est fasciné par le Mississipi, un fleuve devenu un mythe par son passé chargé, historique avec les premiers colons et les trappeurs, littéraire avec Mark Twain bien sûr, etc. ; les références sont multiples, glissées dans le texte sans lourdeur, juste ce qu’il faut pour renvoyer le lecteur à ses bouquins déjà lus ou son cinéma intérieur personnel (pour moi ça l’a fait grave, le Mississipi c’est aussi le berceau du Blues qui lui a fait le voyage inverse, parti du Sud pour remonter vers le Nord et Chicago) Le récit est très équilibré, dosant parfaitement tous les éléments cités précédemment.

Un texte plein d’empathie pour les gens qu’il croise et une sorte d’adoration pour ce Fleuve auquel il prête une âme lui conférant le rôle d’un Dieu sévère mais charitable pour qui sait le respecter. Un voyage initiatique destiné à « comprendre le fleuve et, grâce au miroir de l’amitié, à me comprendre moi-même, et grâce à cette unité particulière qu’il offre, à mieux voir les choses. »

Une très bonne lecture.

 

« Comment j’ai pu dormir, je ne sais pas. Mais j’ai dû voler quarante secondes de sommeil. En me réveillant de nouveau, j’ai entendu les chiens. Ils avaient dû sentir la chaleur de mon corps qui réchauffait la tente. Ils s’étaient blottis tout contre la toile et autour pour avoir chaud et s’abriter du vent. J’étais terrifié. Je voyais dans ma tête les chiens plonger dans la tente, labourer mon visage et mon corps, déchiqueter ma chair. Je le ressentais pour de vrai. Et j’étais totalement démuni. S’il te plaît, Dieu. Renvoie ces chiens. Ne les laisse pas me tuer et me dévorer. Je savais que s’ils entraient je mourrais. »

 

 

Eddy L. Harris, Mark Twain   Eddy L. Harris   Mississipi Solo   Liana Levi  - 329 pages -    

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascale-Marie Deschamps