14/04/2025
Nana Kwame Adjei-Brenyah : Le Dernier combat de Loretta Thurwar
Nana Kwame Adjei-Brenyah, né en 1991, est un écrivain américain d’origine ghanéenne. Il est diplômé de l'Université d'Etat de New York à Albany (2013) et titulaire d'un M.F.A. de l'Université de Syracuse. Après Friday Black (Albin Michel, 2021), un recueil de nouvelles très remarqué et récompensé par le PEN/Jean Stein Book Award, Le dernier combat de Loretta Thurwar son premier roman vient de paraître.
Etats-Unis dans le futur. Pour les condamnés à mort, une échappatoire est désormais possible en participant à une émission de télé-réalité, un « Divertissement pénal d'action criminelle ». Epiés en permanence par des drones et des caméras, ils se préparent à des combats dans des stades ou des arènes, comme les gladiateurs de jadis, des combats à mort, sous les yeux des téléspectateurs ou au milieu des hurlements de la foule venue assister au spectacle du Chain-Gang All-Stars. Chaque victoire leur fait gravir un échelon, le dernier leur assurant la libération, mais c’est très rare, la production modifiant les règles à sa convenance. Loretta Thurwar est la vedette absolue de ces jeux du cirque, proche du degré ultime. Armée d’un marteau particulier, « le manche d’Hass Omaha, qui mesurait un mètre, avait été coulé dans un alliage relativement léger », elle fait des ravages. Pour son dernier combat, elle va devoir affronter, Staxxx, par ailleurs son amante, elle-même redoutable adversaire avec sa LoveGuile, une faux aiguisée comme un rasoir…
Je ne serai peut-être pas aussi enthousiaste que ce qu’en disent certains mais c’est un bon roman qui annonce le gros potentiel d’un écrivain en devenir.
J’ai eu du mal au début du roman à bien y entrer, comprenant mal tout ce que je lisais : noms de marques, de situations inédites et style haché, brusque, elliptique… un peu comme écouter du rap quand on n’aime pas ce genre musical ! Ceci dit j’admets que ça colle parfaitement à l’intrigue. Par la suite ça s’arrange et même l’écriture devient carrément plus classique vers la fin.
De l’Amérique du futur nous ne voyons que peu de choses et elles semblent proches d’aujourd’hui, par contre tout ce qui fait le décor du cirque télévisuel et des combattants nous projette dans ce futur déjà visité, les nouveaux gladiateurs m’ont évoqué Mad Max (film d'action dystopique australien réalisé par George Miller et sorti en 1979) et l’enjeu des combats un peu Rollerball (un film de science-fiction américain de Norman Jewison sorti en 1975), ce sont grosso modo les images qui illustraient ma lecture.
Voilà pour la forme, le fond lui est beaucoup plus ambitieux et c’est ici que le potentiel de l’auteur se révèle. Le roman s’attaque au racisme, au sexisme, à la folie médiatique qui embrase les foules pour ces émissions où les perdants sont tués en direct et sans économie d’hémoglobine, folie médiatique devenue instrument d’un régime carcéral, cible principal du livre. Et pour bien enfoncer le clou, l’écrivain utilise les notes en bas de pages pour renvoyer son récit à la réalité américaine d’aujourd’hui (statistiques sur les condamnés à morts noirs, articles de la Constitution etc.)
L’intérêt du roman va croissant et si le début m’a paru complexe, n’hésitez pas à poursuivre, quant à la fin du bouquin, très belle et plutôt sentimentale sans être mièvre, elle met l’amour au centre du jeu avec la mort en perspective…
« La saison 32 se terminerait. Et une fois la saison 33 commencée, les règles allaient changer. Tu as peur que Staxxx te cache quelque chose parce que toi, tu lui caches quelque chose. Et son secret, c’était que dans la nouvelle saison, deux Maillons de rang colossal ne seraient plus autorisés à concourir au sein d’une même Chaîne. Le jour de sa libération, Thurwar serait forcée de se battre contre la personne qu’elle aimait, la grande Hurricane Staxxx. Elle regarda les drones descendre et commença à saliver. »
Nana Kwame Adjei-Brenyah Le Dernier combat de Loretta Thurwar Albin Michel - 450 pages -
Traduit de l’américain par Héloïse Esquié
06:00 Publié dans Etrangers, ROMANS, SF | Tags : nana kwame adjei-brenyah | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |