03/07/2013
Richard Hugo : La Mort et la belle vie
Richard Hugo (1923-1982), né Richard Hogan et poète américain est un des premiers membres du groupe des « Ecrivains du Montana ». Démobilisé en 1945, il reprend ses études et obtient en 1952 son diplôme de « Creative Writing » de l’université de Washington. Son premier recueil de poèmes est publié en 1961. Peu après, il commence à enseigner à l’université du Montana où l’on compte parmi ses étudiants James Welch ou bien James Crumley par exemple. Outre ses recueils de poésies, il publiera en 1980 un unique roman, qui plus est un roman policier, La Mort et la belle vie qui rata de peu le prix Pulitzer.
Al Barnes est shérif-adjoint à Plains dans le Montana. Après des débuts à Seattle jugés un peu laxistes par ses supérieurs, ce qu’il reconnaît honnêtement « si vous souhaitez un vrai flic, un dur, vous avez frappé à la mauvaise porte », il se retrouve muté dans un bled à la campagne. Après le meurtre sauvage d’un pêcheur, fait rarissime dans le secteur, Al Barnes est mis sur le coup et se retrouve sur la piste d’une très grande femme tueuse en série à la hache ! Alors que la meurtrière est arrêtée et l’affaire classée, Al Barnes va s’apercevoir que tout en réalité ne fait que commencer. Conséquence d’un nouveau meurtre, il va devoir démêler les nœuds d’une pelote noués il y a dix-neuf ans, quand une jeune fille fût assassinée durant un week-end de débauche entre une dizaine d’adolescents issus de familles aisées.
Avec La Mort et la belle vie Richard Hugo a écrit l’archétype du polar comme je me le représente. Des crimes dans la société aisée avec des ramifications dans le passé, des femmes vénéneuses avec une aura sexuelle certaine, des fausses pistes et des personnages secondaires typés, un flic sympathique, une intrigue touffue… Le tout emballé dans une écriture au-dessus de tout reproche avec un petit je ne sais quoi de démodé qui tout au long de ma lecture, m’a renvoyé à des images de films tournés en Noir & Blanc. On ne s’étonnera pas de ces références corroborées par James Welch dans la préface écrite à la mémoire de son ami, « Il avait toujours été un fou de romans policiers. Il avait lu tous les livres de Raymond Chandler, de Dashiell Hammett et de Ross McDonald… »
Un récit dense avec de nombreuses interactions entre les acteurs, suspects potentiels. Parfois un peu long, mais à l’instant où la question pourrait se poser, l’intérêt rebondit. Certes l’intrigue est quelque peu tarabiscotée, certes il y a ici ou là quelques exagérations mais n’est-ce pas le lot de nombreux polars ? Mais qu’importe, puisque le roman reste palpitant jusqu’au bout. Et puis moi, j’aime bien les polars avec une fausse fin avant l’ultime révélation, comme ici.
« C’était peut-être le vin ou le ciel triste. En démarrant, je pensai à mon père qui était rentré un soir à la maison après avoir perdu son travail et qui s’était mis à pleurer cependant que ma mère s’efforçait de le réconforter. Je pensai à un Noir de Seattle qui ne voulait pas être un violeur d’enfants mais qui, ne pouvant s’en empêcher, m’avait dit qu’il allait se tuer, ce qu’il avait fait en s’immolant par le feu. Je pensai à une petite fille qui s’était noyée dans un lac près de Seattle et aux cris de sa mère quand on avait tiré de l’eau le cadavre de son enfant. Je pensai à un monde où la vie est toujours trop dure, où on nous demande d’en supporter davantage qu’on en est capable. Je chialai comme un môme. Pour personne en particulier, pour nous tous. »
Richard Hugo La Mort et la belle vie 10-18
Traduit de l’américain par Michel Lederer
07:54 Publié dans POLARS | Tags : richard hugo | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |